Salut Lisa ...
Je t'écris aujourd'hui car les médecins m'ont informé que ma fin était proche, que le cavalier que je suis va bientôt tirer sa révérence. On a connu des introductions plus joyeuses, mais ce n'est pas la peine d'être triste pour moi, j'ai quatre vingt neuf ans et j'ai eu une belle vie.
Je m'appelle Angelo.
Je me demande si tu te souviens de moi, on était dans le même collège. Il y a bien une chose que j'aurai aimé te dire il y a soixante dix-sept ans maintenant. Mais revenons quelques années en arrière.
C'était une après-midi comme les autres, je me rendais à mon heure de colle quand je t'ai aperçu. Tu étais là, avachie dans une chaise regardant le ciel écarlate. Tu avais un jeans slim bleu qui semblait être un peu trop juste pour toi et un pull gris, tu avais de longs cheveux lisses et des yeux d'un bleu bondi. C'est étrange je ne t'avais jamais remarqué jusqu'à présent, qui es-tu?
Je passais donc mes journées à t'observer au loin, sans jamais trouver le courage d'aller te voir. Disons que les occasions ne se présentaient pas, tu étais toujours entourée par tes trois amies. Mais je devais savoir ton nom, je ne savais pas comment m'y prendre.
Quand par le plus grand des hasards, on était ensemble dans l'heure de permanence. Je n'avais qu'une seule hâte c'était de t'entendre dire "présente". Chaque fois que le surveillant prononcait un nom de fille, mon cœur battait espérant que ce nom soit le tient. Ton regard se dirigeait en direction de Vik, j'ai remarqué que tu l'observais souvent et que tu rougissais à son approche.
Mais j'ai quelque chose de plus important à faire que de m'intéresser à cet abruti, du moins pour le moment. Savoir ton nom, j'en pouvais plus "putain de surveillant de merde, tu vas dire son nom?" et puis quelques instants plus tard il dit
"Lisa Sauber.
-présente"."Lisa Sauber", j'avais enfin ton nom. En rentrant chez moi je me suis mis à te chercher dans les réseaux sociaux, pas très difficile, un vrai jeu d'enfant je dois l'avouer. Ton profil n'était pas privé et il y avait pas mal de photos de toi. Tu aimes donc être vu, qu'on sache que t'existe et qu'on te reconnaisse à ta juste valeur.
Oui Lisa, moi je te vois, je sais que tu existes, je suis là pourquoi ne me vois-tu pas?
En regardant tes abonnements j'ai vu que tu étais abonné à Vik.
Vik Tomo, âgé de 16 ans et en classe de troisième.
Si je me base sur son profil, il aime faire le caïd, les bimbos, les belles voitures de sport et la musculation. Bref une personne plus qu'ennuyeuse, alors c'est ça ton genre de garçon?
Je dois te l'avouer tu me déçois sur ce coup, tu mérites mieux qu'un pseudo caïd de seconde zone, tu me mérites-moi et je vais t'aider à t'en rendre compte.Bon pour commencer il fallait que tu saches que j'existe, pour cela rien de plus simple grâce à ton profil Instagram j'ai su que le mardi soir tu allais à ton club de danse au conservatoire du centre-ville. Je t'ai donc attendu le mardi suivant et j'ai pu constater que tu rentrais seule. Tu étais vraiment belle ce soir-là.
Je me suis donc décidé à m'inscrire dans ton club, même si je dansais comme un myope bourré sans ses lunettes. Je n'exagère pas, te souviens-tu de la chute que j'ai faite et qui a fait rire tout le monde?
J'étais ridicule et toi tu étais éclatée de rire. En te voyant rire ça m'a donné des picotements dans tout mon corps et c'est là que tu m'as adressé la parole pour la première fois :
"Ça va?
- Ouais t'inquiètes, ce n'est rien.
- La danse c'est pas ton point fort, hein?
- Wow quelle perspicacité tu m'impressionnes! " j'ai répondu en rigolant.C'était notre tout premier échange, je me demande comment tu m'as trouvé?
Malheureusement je n'aurai jamais de réponse à cette question.Dans les jours qui ont suivi tout s'est enchaîné tellement vite, que j'avais du mal à réaliser ce qui nous arrivait. Pour commencer on s'est rapproché bien assez pour que tu me fasses rentrer dans ton cercle d'amies proches, je pense que tes copines m'ont accepté sauf peut-être Éva au début. Mais elle était sympathique et particulièrement bavarde, je n'ai eu aucun mal à lui faire parler de toi.
Elle m'a tout raconté.
Alors comme ça tu étais vraiment amoureuse de ce plouc de Vik et apparemment il t'aurait mis un râteau.
Donc pour te consoler tu enchaînais les mecs.Pourquoi Lisa?
Pourquoi?Alors que tu as une bien meilleure option...
Non je ne suis pas une option je suis "Le bon".
LÀ, REGARDE MOI BORDEL!!!Je n'en pouvais plus il fallait que je t'avoue, tout cela me consumait de l'intérieur. Entendre de la bouche de tes meilleures amies que tu te tapais tous les mecs qui venaient vers toi.
Si tu dois en choisir un ça doit être moi.Ne trouvant pas le courage d'aller au club, je t'ai attendu à la sortie.
Tu étais habillée comme le jour où je t'ai vu pour la première fois.
J'ai pris mon courage à deux mains et suis aller te voir, il faisait sombre alors j'ai donc proposé de te raccompagner. Je me souviens parfaitement de cette fin de journée, on parlait et on riait de tout et de rien.Avant que je finisse cette histoire je tenais que tu saches que j'ai eu une belle vie, ne t'imagines rien de triste ou autre. J'ai eu une vie heureuse, j'ai adoré mon existence et c'est sans doute en grande partie grâce à toi. Tu m'as donné un déclic.
Bon reprenons...
Tu m'avais dit que tu connaissais un raccourci qui menait jusque chez toi, mais il fallait passer par une ruelle.
J'avais répété toute la journée ce que je voulais te dire, et au moment venu je n'ai pas osé te regarder dans les yeux. Je me suis contenté de te dire tout ce que je voulais te dire depuis tout ce temps, comme un foutu robot. Maintenant que j'y pense ça devait surement être ridicule.
J'arrivais à la dernière phrase de mon discours qui allait sûrement être "ce pourquoi je t'aime et je t'aimerai toujours".Quand je leva enfin les yeux vers toi, façon de parler je faisais trois têtes de plus que toi.
Je découvris enfin ton regard, tes yeux bleus étaient remplis de larmes.Mais c'était des larmes de joie, tu éclatas de rire avec une sincérité déconcertante.
Apparemment tu t'étais difficilement retenue durant mon discours.
Pendant que ton rire résonnait, j'ai réalisé que ce n'était pas de l'amour tout compte fait.
Oui... c'était ça.Enfaîte ce que je voulais vraiment c'était te tuer.
Alors c'est ce que j'ai fait.
Tu n'avais même pas fini de rire que mes mains étaient déjà autour de ton cou, en train de broyer ton larynx, jusqu'à ce que tu cesses de bouger.Rien qu'en y repensant j'en ai des frissons.
Tu seras toujours ma préférée parmi toutes mes cavalières.
Je suis navré que notre première danse fut aussi notre dernière.Oui évidemment ils n'ont jamais retrouvé ton corps et ils ne le retrouveront sans doute jamais sans un petit coup de pouce de ma part.
Alors en ton honneur vu que tu as été ma première fois et aussi parce que suis mourant.
J'ai décidé d'écrire cette lettre, de toute façon quand quelqu'un la lira je serai déjà mort.Voilà, quelle belle histoire ne trouves-tu pas?
Affectueusement Angelo Rugo.
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Paradis Rouge
General FictionUn homme au bord de la mort écrit une dernière lettre à celle qu'il a aimé