Je plonge ma main dans le bol plein de popcorn. Louise se loge sur mon épaule. Sa chaleur m'irradie. J'aime sa présence plus que tout au monde. Elle s'empare de la télécommande pour monter le son du film qu'on suit à peine, plongés dans une intense conversation.
« Et je te rejoindrai en Californie pour qu'on regarde ton blockbuster ensemble. Non mais t'imagines ça, Sacha ? Le roman de mon petit frère adapté en film qui passe au cinéma ! Incroyable ! »
Je roule des yeux.
« Attends trois secondes Louise. Tu t'emballes un peu trop là. Peut-être faudrait-il qu'avant je parvienne à le terminer ? Je suis, comment dire, quelque peu bloqué.
— Mais t'inquiète, tant que je crois en toi tu peux le faire, assure-t-elle d'un mouvement de la main. »
Je lève les yeux au ciel, quelque peu écœuré par cet élan d'enthousiasme. J'aime ma sœur. Plus que tout. Elle me donne un peu de vie. Avec elle, c'est comme si je n'allais pas mourir. Comme si j'étais immortel. Ce que je ne suis pas. Mais la joie dont elle transpire me rend triste parfois. Parce que je vais la briser. Je vais la détruire en mille morceaux quand je ne serai plus là. Et jamais elle ne sera la même. Jamais elle ne transpirera de cette joie lumineuse de nouveau une fois que je serai mort.
« Les petits grandissent super vite. Ils apprennent la vie ensemble, c'est trop mignon. Je ne sais pas ce que je ferais sans eux. »
Je passe ma main derrière sa tête pour la poser sur son épaule. Je la regarde tendrement. Je sais qu'elle est déjà détruite. Rien qu'à l'idée de savoir que je vais mourir. Que je ne verrai pas ses jumeaux grandir. Que je ne serai jamais l'oncle qu'elle a toujours voulu que je sois pour ses enfants. Et ça m'afflige. Ça me fait tellement mal putain. La vie est brute. Injuste et illogique. J'enferme sa main moite dans la mienne. En jouant avec ses cheveux, je lui confie tout bas:
« Tu sais Louise, je crois qu'au fond, j'ai peut-être peur de mourir... »
Elle me regarde, passe ses mains dans mes cheveux.
« Tout le monde a peur de mourir Sasha, chuchote-t-elle. Et c'est ton droit ; d'avoir peur. »
Je sens mon cœur battre très fort dans ma poitrine. Ça fait beaucoup de bien de se confesser. Finalement, j'ai fini par croire à mon propre mensonge. Je tourne la tête pour la regarder droit dans les yeux. Ma sœur est une des plus belles femmes que je n'ai jamais vu. Et j'en suis fier.
« Quand j'y réfléchis, la vie est une belle salope. Elle est là, elle te charme avec ses couleurs et ses rêves, mais finalement, tout ça ne veut rien dire du tout. Vu qu'on finit tous par crever. Un jour ou l'autre. »
Elle ferme les yeux et soupire. Elle monte encore le son de la télé.
« Non. La vie est belle, Sasha. Certains ont moins de chance que d'autres.
— Et bah heureusement que j'essaie pas de jouer au loto ! »
Je me lève, agacé.
« Je vais pisser. »
Oui, la vie est belle. Mais moi je n'aurai jamais l'occasion de pouvoir le voir.
Plus tard dans la soirée, la famille de Louise arrive chez moi. Les jumeaux, si petits et fébriles, tremblent dans leurs poussettes.
Bonne vie à vous les gars !
Louise se lève du sofa pour rejoindre son mari et l'embrasser. Je les regarde tendrement avant de serrer la main ferme de mon beau-frère. Ma sœur et sa famille restent plusieurs minutes afin de partager quelques futilités avec moi. Mais ils ne s'éternisent pas. Je salue l'époux de ma sœur d'une seconde poignée de main, caresse les têtes douces des bébés. Et enfin, je partage une longue étreinte avec ma sœur pour lui dire au revoir. Je la sens qui me serre fort. Plus fort encore que d'habitude. Comme si j'allais partir maintenant. Comme si me tenir fort près d'elle allait me maintenir en vie.
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Crève-Cœur
Romance6 mois. Seulement 6 mois avant d'être oublié par l'existence. 6 mois pendant lesquels il ne faut laisser personne s'attacher et ne s'attacher à personne. 6 mois avant de mourir. Mais c'est alors que, fortuitement, Sasha retrouve sa meilleure amie d...