Chapitre 6

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Mon corps est alourdi par la fatigue et j'ai du mal à tenir debout. J'ai passé la journée accompagné d'un atroce mal de tête, et des continuelles brulures sur mon visage. Les clients et mes collègues au café n'ont pas cessé de me dévisager et de me poser des questions. Une fois rentré, j'ai enfin pu respirer.

Assis à mon bureau, le curseur est flou. Et même lorsque je plisse les yeux, je ne vois plus la page neutre de mon document Word. Seule une forte lumière blanche m'éblouit. Malgré toute la persévérance du monde, je laisse tomber l'écriture pour aller dormir. De toute manière, je ne sais plus quoi écrire.

À 20 heures, je suis tiré du sommeil par des coups incessants sur ma porte.  Je sors de mon lit en bâillant pour aller ouvrir : Maël et Enzo. Soudain, la fatigue constante disparait. Depuis hier soir, je n'ai plus eu aucune nouvelle de mes deux amis. Et j'ai besoin de réponses à toutes mes questions.

Je leur tends chacun un verre de soda puis nous prenons place autour de ma table. Je les vois examiner avec attention mon visage abimé que je n'ai moi-même pas eu le courage de regarder. À l'issue de leur mutisme, je commence :

« Hier soir, c'était la merde. Et je suis désolé. Je n'aurai jamais dû agir de la sorte. »

Je baisse la tête, confus. Enzo pose une main froide et moite sur la mienne. Et je ne peux m'empêcher de sentir une gêne en moi. Il me regarde aimablement puis affirme :

« Je ne pourrai jamais assez te remercier pour ce que tu as fait pour moi hier. Merci, merci, merci. »

Je retire ma main de sous la sienne et jette un regard à Maël. Il semble avide, sans émotion. Son teint blafard et ses yeux rouges sont signe du manque de sommeil. Il regarde dans le vide. Comme s'il avait cessé d'exister.

« Maël ! »

Il secoue la tête et retrouve ses esprits.

« Vieux, t'es passé où hier ? Je sais que Charlie t'a soigné, mais je ne t'ai plus revu après... »

À l'entente de ce prénom, mon cœur se serre. Et je regrette ce que je lui ai dit ce matin...

« Heu... oui elle... elle m'a ramené chez moi. Mais il s'est passé quoi après ?

—   J'ai essayé de retrouver Josh pour lui en coller une, mais je crois qu'il a compris la leçon avec ce que tu lui as mis... »

Je lève les yeux au ciel.

« Mais Enzo m'en a dissuadé. De toute manière, je crois bien qu'il a déserté hier avec tout ça. Donc on est rentré chez moi, un peu sous le choc. »

Je regarde Enzo. Il semble éteint. Il boit une gorgée de soda puis me regarde à son tour pour me sourire. Un sourire embarrassé.

« Sasha, pourquoi tu as risqué de te blesser pour moi ? demande-t-il timidement. »

Je regarde les hématomes et les plaies sur ma main.

Parce que personne n'a le droit de te toucher. Personne n'a le droit de te briser plus encore que je ne l'ai déjà fait...

« T'es mon meilleur pote ! Entre potes, on se défend ! »

Mais l'éclair dans les yeux de Maël m'indique que ce n'est pas la vérité. Que ce n'est qu'un euphémisme, qu'un mensonge. Et je le vois, il est déçu. Quant à Enzo, il semble aller légèrement mieux. Mieux qu'hier. Mieux que les jours d'avant. Mais, il reste brisé tout de même. Et le restera pour toujours. Parce qu'on ne peut réparer quelque chose de brisé. C'est impossible.

« Maël, tu connais Charlie ? je l'interroge pour changer de sujet. »

—   Vaguement, elle est amie avec mes potes. Pourquoi ?

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant