Chapitre 12

15 2 0
                                    

Allongé sur mon lit, j'ai le regard suspendu, fixé au plafond. Je ne cligne même pas. Les battements de mon cœur sont lents. J'ai l'impression de vivre au ralenti.

J'inspire.

Mes yeux sont secs et je vais certainement commencer à pleurer. Ce sentiment d'oppression est omniprésent. Comme le fait que je vais crever dans pas longtemps. Tout ça, ça fait partie moi. Je ne suis rien d'autre que cette mort constante qui tarde à arriver.

J'expire.

Ma respiration est difficile. J'étouffe.

Je tourne la tête pour considérer l'heure sur mon réveil : 17 heures 34. Je suis censé observer des photographies en ce moment. Je suis censé gouter à l'art des instants. Ceux que Charlie aime tant. Mais je n'aime pas ça moi ; ces instants. Ce ne sont que des aléas méprisants qui fabulent la vie. Je ne suis pas naïf. Je n'ai pas envie de vivre dans une réalité illusoire. Celle de Louise, ou de Charlie. Celle où la vie est belle.

Je n'ai pas envie de vivre.

Dans cette réalité. Où tout semble dystopique. Oppressant. Et destructeur.

Je ne veux pas vivre.

Je ne veux plus vivre dans un monde dans lequel je vais mourir trop tôt.

26 ans putain !

Tant pis.

Je regarde mon corps étendu sur mon lit défait. Je suis nu. Les quelques poils sur mon torse bouclent. Lorsque je me redresse, mes abdos sont apparents. Mais à cet instant, on ne voit que mon nombril. Puis mon pénis. Sur le côté. Qui semble fatigué.

Désolé, d'avoir gouté à toutes ces femmes sans saveur.

Les ongles de mes pieds sont beaucoup trop longs, je devrais les couper.

J'inspire. Ma vie n'a plus aucun sens. Déjà qu'elle n'avait pas beaucoup de direction...

Je me redresse. Mon studio est dans le plus grand désordre. Mes photos sont déchirées par terre. Mes vêtements de la veille jonchent le sol poussiéreux. La couette de mon lit est tombée. Ma chaise de bureau est renversée. Je crois que j'ai pété un câble. Sur mon bureau, mon ordinateur est allumé, ma page de traitement de texte ouverte, ce même curseur détestable m'angoisse. Alternant apparition. Disparition. Comme s'il mourrait. Puis ressuscitait. Continuellement. Invincible.

Je me lève pour aller lire ce que j'ai écrit hier en rentrant. J'ai écrit beaucoup. J'ai écrit près de vingt nouvelles pages. J'ignore toujours l'origine de ces soudains élans d'inspiration.

Hier, je suis rentré à pieds. La culpabilité d'avoir laissé Charlie toute seule sans un au revoir me rongeant, je m'étais laissé bouffer par la douleur atroce d'une longue et pénible marche. Très longue. Cadencée par les bruits de la circulation et les discussions inutiles des Parisiens. Ce mouvement constant m'avait angoissé jusqu'à ce que je parvienne dans le 18ème arrondissement, essoufflé.

Rongé par de profonds regrets, je suis rentré et toute cette rage que j'intériorisais s'est matérialisée en une intense brutalité. J'ai laissé ce mépris et cette fureur me consumer. J'ai déchiré ces vieilles photos emplies de nostalgies. J'ai renversé ma chaise, défait mon lit. Je ne devais pas être bien clair hier soir. Puis je me souviens, de cet apaisement. Lorsque dans ma tête, la voix mélodieuse d'Enzo a résonné. Mon très cher ami. À la relation ambigüe. Je ne suis qu'un con. J'ai ruiné ça aussi. C'est ce que je suis, un destructeur. Et je déteste la vie. De m'avoir fait ainsi.

Sa voix calme dans ma tête a fait ralentir les battements de mon cœur, a fait s'éteindre ce feu qui brulait en moi. J'ai respiré longtemps, me rendant compte de mes joues mouillées par mes larmes salées. Je pleurais. J'ai repris mon calme, merci à Enzo, malgré son absence. Cet homme anesthésie cette colère qui règne en moi, même s'il est loin. C'est juste l'effet qu'il me fait. Ayant repris mon calme, j'ai ouvert mon document Word puis ai commencé à écrire. Frappant avec hargne et passion les touches usées du clavier de mon ordinateur. Cette ivresse incontrôlable qui se déchainait en moi m'a permis d'écrire cinq chapitres en plus. Je me souviens très bien de cette chaleur, m'étouffant. J'ai ôté tous les vêtements que je portais. J'ai poursuivi l'écriture de mon roman dans une totale nudité. Malgré tout, j'asphyxiais encore. Mais peu m'importait, je parvenais à écrire.

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant