Chapitre 30

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Ce jeudi, je sors du lit de Charlie très tôt sous l'emprise d'une intense allégresse. J'emporte mon ordinateur avec moi et retourne sur la côte rocheuse. Ce panorama de l'océan est une agréable source d'inspiration. Mais pas autant que Charlie.

Le soleil commence tout juste son ascension dans le ciel alors que j'atteins le sable frais de la plage. Je gravis les roches abruptes et m'assois sur l'une d'entre elles, face à la mer. Plus calme que d'habitude.

Je commence alors à frapper les touches de mon clavier. J'écris ainsi. Longtemps. Inspiré. Passionné. Au rythme des vagues qui s'abattent sur les rochers. Le vent est agréable. Doux. Et me réchauffe. J'ai bientôt fini. Je crois que je vais bientôt mettre le point final à mon roman.

Alors que je suis projeté hors du monde sensible, dans cette solide bulle où il n'y a rien d'autre que moi et mon histoire, une jeune femme aux longues jambes s'assoit près de moi.

« T'arrêtes pas, hein ? me demande-t-elle. »

Je tourne vivement la tête, c'est Charlie. Elle a noué ses cheveux et s'est habillée d'une petite robe bleue.

Je souris.

« Pourquoi tu es autant impliqué dans l'écriture de ce roman ? m'interroge-t-elle alors.»

Je lui jette un second regard et hausse les épaules. Après avoir enregistré mon document, je me tourne vers elle et lui réponds :

« J'ai appris à 24 ans que j'allais mourir de cette putain de maladie. J'avais plein de rêves. Pleins de choses à voir et à découvrir. Tout ça, anéanti en un diagnostic. À cause d'une putain de maladie de merde. »

Elle me regarde, pendue à mes lèvres.

« Il fallait que je fasse quelque chose. Que quelque chose maintienne mon souvenir dans ce monde. Et, vu que j'écris depuis tout petit : des histoires, des poèmes, des lettres, je me suis lancé dans l'écriture d'un roman. »

Je marque une pause.

« Mais je dois t'avouer que depuis que nous sommes en Australie, j'ai presque supprimé une centaine de pages pour les réécrire. »

Je hoche la tête pour appuyer mes propos.

« Mais ce n'est pas un roman sur nous. C'est un roman qui s'inspire de nous. C'est très différent. »

Elle baisse la tête.

« Pourquoi tu m'as dit que c'était à propos d'un détective et d'une jeune femme fantôme alors ? »

J'expire et hausse les épaules.

« Parce que je ne voulais pas t'en parler. Mais vu que tu es la personne la plus intrusive du monde, tu n'as pas pu t'empêcher d'aller voir. »

Je lui donne un coup d'épaule affectueux et lui sourit. Elle replace une mèche de cheveux derrière son oreille alors que ses joues s'empourprent.

« Je dois le terminer et le publier. Sinon ma vie aura été complètement veine. »

Elle hausse les sourcils.

« Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

— Si tu n'as pas d'objectifs, ta vie ne vaut pas d'être vécue. »

Elle secoue légèrement la tête de droite à gauche.

« Alors, j'écris mon livre puisque c'est ce qui m'aura maintenu en vie jusque-là. C'est ce qui m'a donné une raison de me lever chaque matin. Sinon à quoi bon ? »

Un triste sourire s'affiche sur son visage.

« Tu as une conception biaisée de la vie, Sasha. Ce n'est pas ça le sens de la vie, affirme-t-elle calmement.

Crève-CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant