Chapitre 23

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La musique résonnait jusque dans sa poitrine. Dans les coulisses, Sayanah était presque prête, son eye-liner noir dessiné au millimètre près, un fard à paupières d'un dégradé bleu marine qui tirait sur l'indigo et le violet, cerné d'une couleur dorée claire sous les sourcils, faisant un rappel de couleurs avec sa doudoune légère, bariolée des mêmes couleurs sur fond blanc, qui s'ouvrait sur un crop-top doré, avec « Seine Zoo Records » écrit en lettres capitales blanches. Elle avait accompagné son haut d'un tregging noir agrémenté de trois boutons dorés, alignés à la verticale au niveau des malléoles externes de ses chevilles et insérés dans leurs boutonnières cousues de fil doré. A ses pieds, de grosses baskets blanches. Elle avait sorti ses créoles dorées et s'était coiffée d'une queue de cheval haute.

Dans le miroir, elle s'appliquait sur son rouge à lèvres d'un rouge orangé irisé. Cela fait, elle se regarda un moment, s'observa, se toisa. C'est parti, ma grande ! s'encourageait-elle. Mais le nœud de son estomac ne parvenait pas à se détendre. C'était la première fois qu'elle faisait une grande salle. Et elle voulait fuir.

Lors de la soirée du Nouvel An, Mikaël avait proposé à Athénaïs de venir à son concert pour un de ses titres, sur lequel elle avait une partie. Plus que ça : il avait poussé la demande jusqu'à jouer un de ses propres titres à elle, sur lequel il s'était invité. Elle avait accepté, sûrement trop enthousiasmée par ses verres de rhum. Elle tenta d'évacuer le stress qui s'accumulait avec des exercices de respiration, en vain et déglutit difficilement. Ce n'était pas aussi impressionnant : c'était comme ses tournées des petits bars... En beaucoup plus peuplé, et pas que de ses fans. « Non, Athé' ! On ne recule pas ! » s'admonesta-t-elle, avec une fermeté dont elle aurait aimé se convaincre.

Et si ses co-internes étaient là ? La presse spécialisée allait la prendre en photo dans cette tenue peu commune. Et si elle oubliait ses paroles, paralysée ? Tant de choses se bousculaient dans sa tête, rajoutant à son état de tension. « Allez, faut y aller, ma grande. On ne recule pas. » répétait-elle d'une voix blanche, comme une litanie.

Elle sortit de sa loge, la musique se renforçant au fur et à mesure qu'elle se rapprochait de l'arrière-scène. Là, elle retrouva d'autres membres du crew que Mikaël avait voulu rassembler autour de lui pour ce concert.

« Yeahhhh, Say' !! s'écria un Idriss survolté, en lui adressant le check typique de l'Entourage. Alors, prête pour le slam dans la foule ? »

Non !! implorait Athénaïs, dans sa tête.

« Grave ! s'exclama-t-elle, feignant l'excitation.

— Ca va être géant ! » fit-il.

Mohamed les rejoignit. D'autres rappeurs étaient présents, mais elle n'en était pas tellement proche. Marguerite et Pauline étaient déjà passées la voir et assistaient au concert d'une balustrade bien située par rapport à la scène, avec Hakim.

Suivant la discussion d'une oreille distraite, Athénaïs se sentait bien seule. Sa respiration s'emballait mais elle essayait de la contrôler afin de ne pas laisser paraître son trouble et passer pour une froussarde. Toute à cet effort, elle ne vit pas arriver Ken qui, pourtant, marchait au-devant d'eux.

« Say' ? »

Elle sortit de sa torpeur. L'homme aux yeux noisette et aux cheveux bruns qu'il avait regroupés en un chignon semblait s'interroger de son état. Consciente de la probabilité de s'être trahie, Athénaïs se recomposa bien vite un visage respirant de confiance en elle pour calmer les soupçons qui plissaient le front de Ken.

« Oui ?

— Je te demandais si t'étais prête mais tu buguais.

— Oui, oui !... Je suis prête... J'étais ailleurs, désolée.

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant