Chapitre 4

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IV – Roosevelt Airport, New York

Michael O'Brien n'était qu'à un kilomètre de sa destination lorsqu'il entendit les premiers mugissements de sirènes.

Il leva la tête des feuilles volantes qu'il consultait, pour constater que son taxi était en train de s'arrêter en pleine rue. Tout autour, les autres véhicules ralentissaient ou se garaient, des têtes effarées apparaissaient aux portières. Les piétons hâtaient le pas ou se mettaient à courir.

Michael rangea précipitamment les documents dans une chemise en carton, ouvrit sa vitre, écouta. Un hurlement lointain, immense, qui survolait les toits, se répercutait dans les rues comme un roulement d'orage : les sirènes de l'aéroport.

Le chauffeur tourna la tête vers lui, avec un rictus qui se voulait compatissant :

« Ça va être compliqué, monsieur...

– Mettez-nous les informations de la ville. »

Le chauffeur alluma sa radio, régla la fréquence ; une voix brouillée de parasites s'éleva :

« ... sécurisation de l'aéroport. Deux unités de la garde new-yorkaise ont été mobilisées avec du matériel lourd. Les accès ont été coupés. Selon les dernières informations, les vols au départ ne sont pas impactés ; les vols à l'arrivée sont actuellement détournés vers Boston et Philadelphie. Si vous devez vous rendre à l'aéroport Roosevelt, veuillez contacter...

– C'est bon, coupa Michael d'une voix impatiente, ça ira comme ça. »

Docilement, le chauffeur coupa la radio, demanda sans se retourner :

« Alors, on fait quoi, patron ?

– On continue. »

Michael le vit sursauter.

« Vous n'espérez pas passer, monsieur ?

– Rapprochez-nous autant que possible du métro. »

Le chauffeur haussa les épaules et se remit à rouler avec précaution, slalomant entre les véhicules arrêtés. Devant, derrière, quelques rares voitures et des deux-roues s'obstinaient aussi à poursuivre leur chemin, le long d'une rue transformée en parcours d'obstacles. Sur les trottoirs s'assemblait une foule agitée. Les boutiques ouvraient largement leurs portes, en prévision d'une possible évacuation.

Michael se souvenait encore d'une immense banlieue verte, paisible, aux rues bordées de vastes maisons blanches. Les travaux de l'aéroport, puis ceux de la surélévation des berges de Manhattan pour faire face à la montée de l'océan, avaient entraîné un premier déplacement de population. Ensuite, il y avait eu la guerre et les bombardements de Newark, du Queens et du Bronx, suivie de la crise qui avait bientôt vidé Manhattan.

Et après ça... les Shuriken.

Les principales zones de peuplement s'étaient déplacées vers le sud. Désormais, les grandes maisons aux toits pointus avaient cédé la place à de longues enfilades de bâtiments bas, ternes : un Brooklyn de béton, labyrinthique et étouffant, sans même les taches de couleur des murs de briques.

Un labyrinthe encombré, qui pouvait pourtant se vider comme par enchantement dès que retentissaient les sirènes...

Autour du taxi, les véhicules abandonnés se faisaient de plus en plus nombreux, et de plus en plus rares ceux qui tentaient encore de rouler. Le chauffeur devait faire preuve de virtuosité pour se glisser dans les derniers passages. Finalement, il dut s'arrêter aussi.

Il se tourna à-demi vers l'arrière.

« Terminé, patron. Ça n'ira pas plus loin. »

Du coin de l'œil, Michael observait ce taxi qui, après s'être faufilé à leur suite dans les derniers passages, venait de se garer à son tour, à l'abri d'une file de voitures, quelques dizaines de mètres derrière eux.

ShurikenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant