X - L'Académie Magico-Scientifique - Partie 1

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 01 février 1875 — Yaqutane

Lunera traîna pendant une heure son corps sale et épuisé avant d'arriver à Yaqutane. Le trajet était plus compliquée que prévu, il fallait monter et dévaler des collines, et avec sa carcasse usée, elle avançait avec la lenteur d'une tortue.

Le soleil se levait. Parmi la rivière de toits en briques des maisons, seules deux constructions se démarquaient à l'horizon. Le château royal bien sûr et une haute tour blanche. Malgré ses précédentes mésaventures, son coeur palpita d'une joie curieuse.

Serait-ce la fameuse Académie Magico-Scientifique ? Tous les livres en parlent !

Près de la frontière, trois convois matinaux tirés par des chevaux attendaient, tandis que des soldats vérifiaient la cargaison et les papiers des cochers, avant de les laisser entrer. Lunera soupira, dépitée.

Pourquoi ne font-ils pas comme Viridis...

Elle n'avait même pas assez de force pour user du même stratagème qu'à Sultakara. La jeune fille prit la petite bourse accrochée à sa ceinture et fouilla dedans, dans l'espoir de trouver un moyen d'échapper à cette vigilance indésirable. Parmi le bric-à-brac à l'intérieur, elle trouva deux petites boules grises.

Des fumigènes ? Peut-être que je pourrais faire diversion et me faufiler sous une des bâches... ?

Lunera haussa ses épaules. C'était là le seul moyen d'entrer dans la capitale sans épuiser les maigres forces qui lui restaient. Au pire des cas, se disait-elle, ils tâterait tous de sa lame. Se cachant derrière d'imposants troncs d'arbre, Lunera attendit que le militaire ne valide l'entrée des trois voitures et elle lança alors un fumigène en plein milieu de l'allée.

Un nuage de fumée grisâtre s'installa et tandis que les marchands hoquetaient, surpris et inquiets, en tentant de calmer leurs bêtes, les chevaliers s'exclamaient à haute voix, craignant là la survenue d'un attentat. Téméraire comme elle l'était, Lunera se faufila dans les vapeurs épaisses et sauta lestement à l'arrière d'un véhicule. Elle tomba nez-à-nez avec un jeune garçon, qui ouvrit de grands yeux en apercevant la jeune fille, effrayante avec son aspect crasseux et ses airs d'assassins.

— M...

Autem Irade ! siffla Lunera, entre ses dents.

Elle ne s'était pas attendue à cette éventualité. Les yeux de l'adolescent se firent rêveurs et Lunera murmura à son oreille, tout en lui mettant une petite boule grise dans la main :

— Dis à ton père ou à je ne sais qui t'accompagnant, que tu as laissé tomber sans faire exprès ce fumigène hors du convoi. Présente tes plus plates excuses aux soldats et fais en sorte que l'incident ne soit pas davantage relevé. Exécute !

À ces mots, Lunera se rangea derrière de gros cageots de légumes et attendit, cachée, que le jeune homme ne calme les tensions. Elle attendit de longues minutes, tendant son oreille au maximum, écoutant les suppliques du garçon, accompagnées de l'aide de son père pour calmer les chevaliers. Finalement, ils obtinrent leur laissez-passer et après les avoir recommandés de faire attention la prochaine fois, l'affaire fut close.

Dieu du ciel ! Quelle angoisse...

Elle se laissa bercer par la charrette et après dix bonnes minutes, elle sauta hors de la bâche et atterrit en plein centre-ville, où de rares passants matinaux vaquaient à leurs affaires. Sans faire attention aux quelques regards ahuris qui la suivaient, Lunera entama une marche rapide vers l'académie, très curieuse de la voir.

Terreur Lunaire - Livre 1 - Vers le Cœur ArkhaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant