Chapitre 36

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[Le crayonné du dessin de Lyssandre. Un aperçu plus conséquent de notre Majesté !]


Ce fut l'inconfort d'une couche rudimentaire qui tira Lyssandre de son sommeil. Il ne se rappelait même pas y avoir sombré. Aussi fût-il particulièrement désorienté lorsqu'il se risqua à ouvrir une paupière. Le premier coup d'œil lui permit de s'assurer qu'il ne reconnaissait pas le décor qui s'étalait autour de lui.

L'aube était encore figée, à mi-chemin entre la nuit et le prompt lever du soleil. Cette aurore grise, fraîche, n'avait pas encore éveillée ses senteurs, ses couleurs, sur le monde. Les rouages du temps et du monde paraissaient s'être accordés un instant de répit. Lyssandre pensa que ces cours immuables s'étaient arrêtés, avant de surprendre l'ombre massive de Farétal au bout de l'horizon.

Lyssandre était étendu au pied d'un pin immense, protégé par ses branchages. Ceux-ci suintaient de l'humidité matinale et masquèrent jusqu'au dernier instant la silhouette du chevalier. Une gourde à la main, son expression fermée trahissait une nette inquiétude. Là où Lyssandre n'avait pas pu se vêtir et portait en tout et pour tout une robe de chambre, lui avait eu le temps d'enfiler une chemise et un épais pantalon de toile. Si cela ne valait pas son armure, cet accoutrement avait l'avantage de lui donner une allure plus convaincante que celle du roi, qui ressemblait à un amant chassé des draps d'une dame au petit jour.

— Où sommes-nous ? murmura Lyssandre, d'une voix rendue rauque par les résidus de sommeil.

— Non loin de Farétal, Sire.

Lyssandre s'adossa contre le tronc de l'arbre. Il se rappelait la fuite, de la cavale folle qui les avait menés dans les entrailles de Farétal, mais il ne se rappelait pas de s'être arrêté, avec l'autorisation de Cassien, pour piquer un somme.

— Quand avons-nous abandonné la course ?

— Peu avant l'aube, mais je doute que vous en ayez le moindre souvenir. Vous dormiez presque lorsque j'ai décidé de nous arrêter ici.

— Nous aurions nous continuer, s'enflamma soudain Lyssandre, que la gravité des événements venait d'atteindre dans un violent revers. Le château doit être tenu informé de la situation à Arkal et... et imaginez que les soldats d'Äzmelan profitent d'avoir anéanti nos défenses pour pénétrer dans Loajess ! Nous devons aller donner l'alerte plus à l'Est, les prochains campements importants se trouvent à quelques dizaines de kilomètres à peine. Si nous chevauchons dès à présent, nous les atteindrons avant midi et il sera peut-être possible de...

— Il n'est pas question de revenir sur nos pas, trancha Cassien, avec une sèche résolution.

— Ce n'est pas une hypothèse, nous n'avons pas d'autres choix, il faut...

— La réponse est non.

— Je ne crois pas vous avoir demandé votre opinion !

— D'autres ont sans doute déjà eu cette brillante idée avant vous. Ces hommes sont des professionnels et même pris de courts, ils seront plus à même de répondre à l'urgence que vous ne l'êtes.

Lyssandre accusa le coup. Qui avait-il cru duper ? Il ne connaissait rien à la guerre et aux urgences, plus ou moins exigeantes, qu'elle supposait. La seule certitude qu'il possédait lui soufflait que l'heure était grave et qu'il fallait agir. Bien que fuir le plus loin possible de l'ardeur des combats formait une possibilité alléchante, il ne pouvait se permettre pareille lâcheté. Cette frénésie matinale, surgie alors que son cerveau peinait à lui répondre, ne servait qu'à masquer les événements traumatisants survenus la veille. Quelques heures venaient de s'écouler et le peu de recul dont il disposait ne servait qu'à lui servir une panique cruelle.

Longue vie au roi [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant