De la Terre comme au Ciel

Chapitre 14 : Le calme avant...

L'incendie a été déclaré bien avant l'aurore de son arrivée sous la voûte d'un chêne séculaire immense, dont la ramure épaisse ne laissait filtrer que de fins rayons de soleil, obliques comme des lances, transformant la mousse du sous-bois en un damier d'ombre et de lumière que les flammes avaient assombri. Déjà, les cendres pourpres dansaient avec le vent en emportant les souvenirs de son foyer, de son nid d'amour à lui et à sa femme. Il était revenu dans l'espoir de la revoir. Au lieu de ça, il apprend que celle à qui il a tout abandonné a disparue, enlevée par celui qu'il a longtemps considéré comme son meilleur ami, son frère d'arme, l'épaule sur laquelle il pouvait s'appuyer, qu'il admirait, qu'il craignait et qu'il respectait : son ennemi.

Il en avait après sa descendance. Il se souvient en avoir discuté avec lui, il y a trois ans, et de l'accord qu'ils avaient passé. Mais après avoir aimé son épouse d'un cœur sincère, il se souvient aussi d'avoir renoncé à cet accord, celui de donner son enfant. La joie et le bonheur de sa femme ont été suffisants pour le dissuader de garder le bébé qu'elle a porté durant vingt-quatre ans et-demi. Il regrette encore d'avoir été égoïste mais il est déjà trop tard. Elle n'est plus là car il les a emportés.

A se souvenir, Dharma fut secoué par un tremblement qui le fit gémir. Reprenant ses esprits au cœur d'une cuve remplie d'eau distillé, il inspira profondément par le masque à oxygène, relié à une machine qui émettait des sons étranges, pour calmer sa respiration. Aussitôt, une fine membrane glissa sur ses yeux pour lui permettre une meilleure vue dans l'eau. Là où il flottait, il était retenu à la taille et aux poignets par des chaines qu'il brisa du premier coup. Forçant sur la vitrine qu'il perça sans peine, le bassin déborda. Une fois sur pieds, l'air climatisé de la salle le fit frissonner. Où était-il exactement et comment s'était-il retrouvé dans cet endroit ? Ne comprenant pas ce qui lui arrivait, l'Alshni a paniqué. Il était à bout de force et invoquer un portail dimensionnel pour quitter les souterrains et se rendre à la surface le vida complètement de son énergie. Seuls les rayons du soleil au matin le ramenèrent à la raison. Il réalisa alors qu'il ne rêvait pas.

— Je suis... vivant ? balbutia-t-il, abasourdit.

Il examina son ventre plat. La blessure n'était plus là ni les fractures de ses côtes. Il a été laissé pour mort dans le temple de la déesse, il ne se souvient pas de ce qu'il s'est passé ensuite. « Que sont devenus les autres ? », se demanda-t-il. Sa respiration s'intensifia, il devait les retrouver ! Ses souvenirs défilaient à toute vitesse dans sa tête. Il évita de songer à sa femme, décédée trois ans après l'accouchement, et se lança à la recherche des enfants qu'il a caché chez leur oncle en priant pour qu'il n'arrive pas trop tard.

Les retrouver avant lui avait été sa priorité. Dharma découvrait que sa prière n'avait pas été entendu.

La rage de sang l'engloutit dans les nimbes. S'y habituer avait été un entrainement rude, savoir contrôler une partie de son cerveau dans la fureur la plus incroyable recourait à une expérience intense et épuisante. C'était un avantage qui faisait de lui le plus fort parmi ses congénères qui, une fois sous l'emprise de l'instinct, n'arrivaient plus à rien. Au lieu d'être complètement retiré dans sa conscience, il participa à l'affront par visuel, se voyant s'élancer, chahuter et combattre un ennemi plus redoutable.

Car si Élawen était plus jeune que lui, il restait tout de même dangereux. Leur combat titanesque dura encore sept heures où aucun des deux Alshnis ne lâcha prise, jurant pour la victoire qu'aucun d'eux ne remportera. Un mental suffisamment coriace pour supporter toute flageolante psychique capable de déchirer l'esprit, une endurance et une tolérance supérieur à la douleur, ils marchaient sur une égalité farouche qui mettait leurs nerfs à vif. Les monstres se séparèrent, à bout de souffle, et alors que le jour allait pointer à l'horizon, ils reprirent de plus belle dans un acharnement inépuisable. Le soleil se montra au bout d'une heure.