Chapitre 1

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1)

Quelque peu pressée, je sortis en trombe du bâtiment et dévalai les escaliers, de grands escaliers de marbre reflétant la fraîcheur qui régnait au sein de l'entreprise. Je ne prêtai aucune attention à mes collègues postées devant l'entrée de l'immeuble. Certains ne me remarquèrent même pas – une collègue parmi tant d'autres – et d'autres m'adressèrent un sourire. Je restai impassible devant cet élan de politesse, cela glissa sur moi telle une légère brise. Ce semblant d'amitié ne m'intéressa que très peu. Aucune différence ne se faisait ressentir entre ceux qui m'ignoraient, qui faisaient comme si je n'existais pas, comme si je faisais partie des murs, et ceux qui tentaient de dresser un contact. Je n'avais jamais jugé important d'apprendre à les connaître. Ce n'était que mes collègues, rien de plus. Dire que l'on avait une relation cordiale pouvait s'avérer par moment être un doux euphémisme. Les clefs à la main, je me dirigeai précipitamment vers ma voiture. Un pied devant l'autre, je trottinai, pour ne pas perdre plus de temps. Je possédais une simple Citroën C3 que j'avais acquis il y a quelques mois pour une bouchée de pain. De couleur verte, elle reflétait l'espoir, ce doux sentiment qui m'animait au plus profond de moi. Au premier regard, j'avais flashé sur cette voiture, bonne pour la casse. Elle aussi avait le droit à un second souffle de jeunesse. Personne n'en voulait, mais j'aurais tout fait pour qu'elle m'appartienne.

Machinalement, je m'assis derrière le volant et mes yeux se portèrent sur le rétroviseur. Ce que je vis m'horripila, ce n'était pas moi. Une fille qui me ressemblait tout simplement. A l'allure identique, elle et moi étions en tous points différentes. Je risquais à tout instant de me perdre, de m'oublier. Je luttais. Un duel où tous les coups étaient permis s'installa entre mon corps et mon âme. Il ne pouvait y avoir qu'un seul vainqueur. Sans plus attendre, je m'effondrai. Mes larmes me piquaient les yeux, une à une elles s'extirpèrent et coulèrent le long de mes joues. Mes poings atterrirent sur le volant. La colère avait envahi mon corps, mon esprit et mon cœur. Elle avait pris le contrôle. S'en était trop. Énergiquement, je secouai la tête. Une douleur imminente vint me saluer. J'espérais en extraire mes pensées, les faire sortir à tout jamais. Je ne devais pas concrétiser mes envies, au risque de renoncer au lendemain. Il ne le fallait surtout pas, j'avais beaucoup trop travaillé pour en arriver jusque-là, pour me laisser couler. J'étais un paquebot, pas un simple bateau en papier. Des vautours, le monde du travail en était rempli, mais pour m'écraser, ils allaient devoir attendre leur tour. Je ne récoltais que la somme de ce que j'étais. Ce n'était que le résultat de ce que je faisais. J'attrapai un mouchoir dans mon sac et m'essuyai les yeux peu à peu devenus rouges. Ils étaient gonflés, cernés comme si je n'avais pas dormi depuis des jours et des jours. Doucement, je tournai la clef du contact, appuyai sur l'embrayage et reculai. Je ne prêtai pas attention à la voiture qui s'engageait derrière moi. J'agissais comme si j'étais seule, comme si le parking m'appartenait. Un bruit de ferraille me ramena à la réalité des choses. La légère secousse engendrée poussa mon corps vers l'avant. Ma tête frôla le volant, la ceinture de sécurité me retint. Indemne de toutes lésions apparentes, je sortis de mon véhicule.

- Il ne manquait plus que ça. Me déclarais-je à moi-même.

Je vis un homme analyser sa voiture sous toutes les coutures. Le genre de voiture qui montre de suite à qui l'on a à faire. Arrogante, classe et imposante. Elle devait coûter dans les vingt mille euros. Le genre de voiture que l'on s'offrait pour en mettre plein la vue, pour ne surtout pas passer inaperçu. Je n'avais jamais vu un regard tel que le sien, d'un bleu pénétrant. Ses cheveux bruns, mal coiffés, en bataille, faisaient ressortir la lueur de son visage, de son regard. Une ombre se dressait sur ce tableau, sur cet ange tombé du ciel qui me faisait face : il était hautain. Je n'avais jamais vu pareil orgueil et pareille fierté se dégager chez une personne. J'étais déconcertée. Face à lui je ne faisais pas le poids, mais je n'avais pas l'intention de me laisser avoir. Cet accrochage était tout ce qu'il manquait à cette magnifique journée. Je voulais rapidement mettre un terme à cette journée, l'éventualité que quelque chose puisse me retarder m'était inconcevable. Les seuls mots qui sortirent de la bouche de l'homme n'était rien d'autres que des reproches, des affabulations qu'il adressait à mon égard. Son impolitesse ne me surprenait pas, cela allait de pair avec l'impression qu'il dégageait. Son acharnement envers moi était inapproprié. Il sortit des papiers de sa boîte à gants, et en moins de deux minutes le constat fut fait. Sans lui adresser le moindre mot d'excuse ou d'au revoir je retournai à ma voiture. A vive allure, je partis. Un regard dans le rétroviseur accompagna mon départ. Ironiquement, de toutes mes dents, je lui souris. L'homme prit cela pour de la provocation. Mon attitude ne lui plaisait guère.

Rien n'arrive par hasardWhere stories live. Discover now