2)
J'errais sans aucune direction définie. Tout autour de moi devint flou, impalpable. Je laissai mes pieds me guider. Je ne répondais plus de rien. Je n'avais subitement plus goût à rien. Des larmes s'échappèrent de mes yeux bleus insondables. A hauteur du parc, je n'étais pas sereine. Mon cœur s'accélérait, je pus sentir ses battements contre ma poitrine. Je mis la capuche de mon sweat-shirt et accélérai le pas. J'agissais comme si je me sentais suivie, constamment à vérifier que personne ne me suivait. Je sentais une présence derrière moi, je n'étais pas seule, j'en étais persuadée. Ils me suivaient à la trace. La furtivité était leur point fort, ils étaient partout, même là où on ne les attendait pas.
Le vent commençait petit à petit à se lever. Les branches des arbres s'entrechoquaient, les feuilles sifflaient. La noirceur du parc ne me permettait pas de voir plus loin que le bout de mon nez. En cette nuit, les lampadaires ne fonctionnaient pas. L'obscurité était de mise. J'avais peur. Les bras croisés, je serrais ma poitrine, aussi fort que je le pouvais. Les épaules recroquevillées, j'essayais de me faire la plus petite possible. Je ne voulais pas me faire remarquer, mais la différentialité allait à l'encontre de mon souhait. Dans un lieu où la noirceur était le mot d'ordre, la lumière qui s'échappait de moi devenait aveuglante. Telle une luciole, je virevoltais dans ce monde. Même avec toute la bonne volonté du monde, je ne pouvais m'intégrer, je ne pouvais me faire passer pour l'un des leurs. En addict, ils ne me jugeaient pas crédible. Je ne collais pas à ce personnage-là. Je n'avais selon eux pas le profil adéquat. Quelque chose en moi les dérangeait. Je ramenais de l'argent, c'est tout ce qui leur importait. Ils ne trouvaient que leur propre intérêt.
*
Des ombres se profilaient à l'horizon. Des hommes restaient debout au coin de la rue, tandis que les femmes arpentaient le trottoir. Sans marquer de temps de pause, elles faisaient les cent pas. Les hommes s'effaçaient au profit des femmes. Elles devaient paraître seules pour pouvoir faire leur travail correctement. De l'argent contre un service rendu. Elles arrêtaient toutes les voitures qui passaient devant elles. Pas une seule ne leur échappait. Elles ne pouvaient prendre le risque de laisser passer un client potentiel. Le maquillage avait élu domicile leur visage. Plus une seule parcelle de naturel ne s'y trouvait. De véritables pots de peinture. Leur visage reluisait de fond de teint. Leur peau collait. Leurs bouches étaient mises en valeur, bombées et pulpeuses. Un rouge à lèvres, d'un rouge vif bordait leurs lèvres, un trait de crayon en dessinait les contours. A travers ce cosmétique, elles cachaient leur véritable visage. Elles devenaient méconnaissables, comme si elles arboraient un masque. Jamais elles ne dévoilaient leur nature profonde. M'insérant rue Sourdet, j'avançais parmi ce monde. Mes pieds dirigeaient ce corps frêle. De la sueur dégoulinait le long de mon front. De la paume de ma main, je me le tapotais, aucun indice ne devait me trahir. En cette nuit chaleureuse, où le vent avait cessé, je tremblais. Je transpirais à grosse goutte. Mes mains devinrent moites. J'étais apeurée.
- Tu t'es perdue ma jolie ? Demanda une des femmes lorsque je fus arrivée à sa hauteur.
Son accent Russe ne laissait pas de doutes, elle n'était pas native de ce pays. Elle regarda une de ses camarades et toutes deux partirent dans un éclat de rire.
- Regarde, elle est bien trop raffinée pour ça !
L'ironie dans le son de sa voix se laissait entendre. Je ne leur offris aucun signe de réponse. Sans plus attendre, je me dirigeais vers un homme au croisement de la rue Zola et de la rue Sourdet. L'origine de ma venue. Tous me fixèrent sur mon passage. Des sourires apparurent, des grimaces se dessinèrent, j'étais inconsciemment l'attraction de la soirée. Je n'échangeais aucun mot, aucun regard avec l'homme. Un homme d'une trentaine d'années, plutôt ordinaire, une casquette recouvrait son crâne démuni de cheveux. En apparence d'une banalité à toute épreuve. Vêtu totalement de noir, aucune couleur ne venait éclaircir les traits de son visage. Il était fermé, triste.
YOU ARE READING
Rien n'arrive par hasard
Mystery / ThrillerLe noir contre le blanc, le mal contre le bien. Dans le tumulte des sentiments, la douceur se mêle à la violence, l'amour se confond avec la haine. Fabulation ou vérité ? Dans un monde ou les apparences sont trompeuses, ils ne peuvent se fier qu'à...