Ton manteau (7 ans)

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Le manteau de maman sur les épaules. Odeur cigarette, ça sent elle, ses caresses tendres et ses mains douces. Elle me manque terriblement. Papa est sûrement content qu'elle ne lui colle plus aux fesses. Un gros bouton sur son front, c'est comme ça qu'il la voyait, car il lui était impossible de s'en débarrasser sans cicatrice à sa propre personne.

Le manteau est trop grand pour moi, alors il tombe lourdement sur le sol poussiéreux. Je m'accote sur la porte que j'avais fermée doucement (je n'ai pas le droit d'être là) et glisse sur le long du plancher frais du grenier. La fourrure de la veste remonte dans mon cou. Ça me chatouille, les larmes sur mes joues, aussi, elles picotent. Une souris passe en flèche devant mes orteils, disparaît aussitôt dans une fissure du mur.

Plus tard, je serai comme maman : Chaud, Doux, Délicieux. Moi aussi, quand je serai grand, je donnerai gâteaux aux enfants tristes et, aux cœurs fragiles, gentils mots. Je ne sais pas si je veux sentir comme elle. Parce que, maman, elle fumait. Papa, il disait que ça puait le « Diable ». Moi, je pense qu'il trouvait juste qu'elle puait le « Diable ». Quand on n'aime pas quelque chose, c'est que ça ne goûte et ne sent pas bon; comme les champignons.

Des talons hauts derrière un carton. Papa a fait monter toutes les affaires de maman ici. Même recouverts d'une fine couche de poussière, ils sont magnifiques, blancs crystal comme sa voix et brillants comme ses yeux.
Un jour, je lui avait demandé pourquoi elle les portait s'ils lui faisaient ampoules aux pieds. Ça l'avait fait beaucoup rire. Elle avait un beau rire. Après, elle m'avait expliqué que c'était pour être plus belle. J'ai trouvé ça étrange, car elle était déjà la plus magnifique des mères.

Je me lève pour aller voir les souliers de plus près, sentir le frottement de leurs paillettes sous mes doigts, mais je m'enfarge dans la veste. Je chute et mon menton s'écorche sur une latte de bois surélevée. Ça fait un de ces boucans... « Y a quelqu'un en haut? », j'entends Annie crier, bientôt suivie de mon père : « Terrence, c'est toi? ». Il grippe l'escalier deux par deux. Que faire? J'ai si peur qu'il me punisse. Oh, non, pas comme la dernière fois. La panique dans les tripes, je n'ai le temps de me redresser que déjà la porte s'ouvre dans un souffle. Mon père y est, une photo de maman et lui froissée dans sa main crispée. Tous les deux souriants et aucun cheveux blanc. Maman était si jolie. Papa avait l'air gentil. « Qu'est-ce que tu fais ici ? » il me demande avec une voix dure, mais toute brisée. « Je ne sais pas », je lui marmonne sans parvenir à garder mes yeux dans les siens. Ils sont rouges de chagrin, aujourd'hui. Il me fait signe de descendre, alors j'y vais sans un mot, le manteau de maman sur les épaules.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 13, 2020 ⏰

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