Chapitre X

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X

Des lauriers de sang

Calliandra...

Tibalte était sérieusement touché au flanc droit. Il sembla prendre conscience de sa blessure une fois arrivé dans la galerie. Il m'aida à m'asseoir contre le mur et s'éloigna, une main posée sur le côté de son ventre, une grimace de douleur sur le visage.

- Tibalte, parvins-je à murmurer, à demi consciente, la vue brouillée par une épaisse fumée blanchâtre.

Le sang sur mes lèvres avait un goût de métal. Je sentis les mains de Martial se poser sur mes joues.

- Calliandra, tu m'entends ? me demanda-t-il.

Je n'arrivais plus à garder les yeux ouverts, j'avais terriblement mal à la tête et mon corps tout entier semblait endoloris. La voix de Martial résonna en écho, elle me parut si lointaine.

- Elle a pris un coup très violent à l'arrière du crâne, dit Spiculus en me hissant dans ses bras. Tibalte a besoin de soins, il faut rentrer au plus vite, maître, ajouta-t-il.

Je perdis connaissance à la sortie du Colisée, incapable de lutter davantage contre l'engourdissement qui m'avait envahie et paralysée.

Lorsque j'ouvris enfin les yeux, je me trouvais dans la salle où Eaclès avait pour habitude de soigner les blessures des gladiateurs. Il y faisait froid et l'humidité transperça mes os. Je regardai autour moi, les voûtes me donnaient l'impression d'être dans un cachot et l'odeur du sang ne me quittait pas. Je me redressai vivement, un léger vertige me contraignit à ralentir mes gestes, et je m'assis au bord de la banquette sur laquelle j'avais été couchée. Je passai une main sur mes lèvres, elles paraissaient enflées, ma pommette droite me faisait mal mais la douleur était bien plus intense au niveau de mon épaule gauche, là où le rétiaire était parvenu à m'atteindre. Je tentai de regarder et aperçus une longue balafre qui n'avait pas encore cicatrisé. La plaie suintait encore et la scène me revint en mémoire. J'étais prise au piège du filet, j'avais tenté de fuir mais mes mouvements étaient restreints et Achillia m'avait blessée avec son poignard. Les cris de la foule surgirent aussi comme si elle était encore présente dans la pièce. Le peuple avait hurlé à ce moment-là, il voulait du sang, il voulait voir la mort et peu importait qui elle emmenait tant qu'elle était là.

- Allonge-toi, ordonna Eaclès en entrant dans la pièce par une petite porte en bois qui grinçait. Je dois cautériser ta plaie. Je l'ai nettoyée mais ce n'est pas suffisant, elle est trop profonde et risque de s'infecter.

- Il en est hors de question !

- Je crois que tu ne vas pas avoir le choix. Tu veux que je fasse venir quelqu'un pour te tenir ?

- Non, répondis-je en m'allongeant.

Eaclès sortit la lame qu'il avait mise au feu et s'approcha de la banquette. Il voulut attacher mes bras et mes jambes mais je lui fis la promesse de ne pas bouger. Je ne voulais pas être enchaînée, je pouvais supporter la douleur, elle ne durerait pas longtemps. Lorsque l'acier brûlant entra en contact avec ma peau, le cri qui sortit de ma gorge résonna dans toute la pièce. Mes ongles entaillèrent le tissu qui recouvrait la banquette et mes membres se contractèrent violemment. Le coup de poignard m'avait paru bien plus agréable en comparaison.

- J'ai connu des gladiateurs plus virulents, dit calmement Eaclès en retirant la lame. C'est terminé. Je vais te passer un onguent appelé barbarum. Il est astringent et antiseptique. Tu ne devrais plus ressentir la moindre douleur d'ici deux jours. Tu reprendras l'entraînement à ce moment-là.

calliandra la gladiatrice : le rubis de romeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant