Ma toile

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J'associe souvent ma vie à une toile d'arachnide, vous savez celle qu'on se prend en pleine gueule sans l'avoir vu venir. Ma maladie est l'araignée qui viendra me bouffer à la fin de la journée. Cette foutue araignée attendra le tout dernier moment, celui où le ciel est à son apothéose ; d'un rouge flamboyant. Elle attendra ce moment exact car c'est celui où l'on pense que c'est passé, face à la beauté de la vie on se dit : "C'est bon, j'ai surmonté le pire, maintenant j'ai le droit à un peu de repos... " Et bam... elle vous frappe d'un coup, comme ça, comme une piqûre de rappelle pour pas que vous n'oubliez que le bonheur, c'est pas pour vous.

C'est ce que représente ma vie, une toile. Une putain de toile où plus tu gigotes, plus tu t'emmêles. Et cette toile, j'y vis depuis toujours, je m'y sens presque chez moi  à force.

On pourrait parler de manque de pot, de malédiction et simplement de malchance ; après tout, un enfant sur qatre-cent est touché d'un cancer, et qui a découvert qu'elle était cette enfant à seulement sept ans, perdant ainsi sa seule chance d'avoir une enfance pire...une vie normale ? Moi forcément.

Après deux ans de combat j'y suis arrivée, je m'en suis débarrassée mais comme je vous l'ai dit un peu avant, plus tu gigotes, plus tu t'emmêles et c'est ce moment-là, celui où tout le monde me félicitait de mon combat gagné qu'a choisie mon arachnide favorite pour venir me rendre visite. Et j'ai fait la rencontre de Leucémie qui est actuellement ce qu'on peut qualifier de meilleure amie ; après tout, on partage le même corps et par conséquent les mêmes secrets et les mêmes goûts, on a même pas besoin de mots pour communiquer puisqu'on se partage le même cerveau et la même âme occasionnelement. Si je meurs, elle meurt, ça c'est de l'amitié hein !

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Je passai ma main par la fenêtre afin de sentir le vent s'engouffrer entre mes doigts. J'avais demandé à ce qu'on rapproche mon lit de cette fenêtre, si petite soit-elle, juste pour cette sensation. Tout un remue-ménage à suivit ma demande car c'est bien connu, on ne refuse rien à une mourante. je connais ma situation, je sais que si je me battrais je pourrais m'en sortir mais je ne veux pas, je ne veux plus.

Je ne veux plus me battre, j'en ai marre de me démener alors que je sais bien que plus je le fais, plus cette toile se referme sur moi et mon corps à l'agonie. Un frisson m'emplit et je retirai bien vite ma main pour la réfugier sous l'édredon.

Nicolas entra à cet instant même et se précipita à la fenêtre pour la refermer.

- Nico...

- je sais mais là il fait à peine cinq degrès alors oui je ferme où tu vas...

- tomber malade ? Trop tard, après peut-être que le froid m'achèvera ! fis-je avec un rire sarcastique et il se pinça les lèvres. ça va, je rigole t'en fais pas. Me repris-je en le voyant si mal pour si peu.

- Tu ne te rends pas compte que ça peut blesser des gens quand tu parles avec tant de désinvolture de ta leucémie, ceux qui tiennent à toi ont...

- Qui tient à moi ? Mon père qui est partit avec sa meuf qui a pratiquement mon âge ou ma mère qui a refait un gosse "normale" avec mon prof de piano ? Je le regardai pendant qu'il passait un thermomètre sur mon front tout en soupirant.

- J'allais dire Nathalie, Sacha, tous tes amis qui sont dans les chambres autour de toi et aussi ceux qui viennent te voir et... moi ? Il laissa tomber deux cachets dans un verre d'eau en même temps que... sa question ? Je n'en sais rien. Bref, il me passa le verre et je l'avalai sans hésitation, le mal de tête qui m'avait pris quelques minutes plus tôt était insupportable.

- Nathalie et Sacha sont médecins ils ont l'habitude de voir les gens mourir et tous ceux qui sont autour de moi, dans les chambres voisines vont mourir aussi alors... et de quels amis tu parles, ça fait des mois que mes amis d'antan ont arrêtés de venir me voir, je suis déjà morte pour eux...

L'amour n'a pas de genreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant