J'entendais au loin les vagues se fracasser sur les rochers, la balançoire au fond de notre jardin bougeait et grinçait sous les rafales du vent. Une tempête se préparait, mais elle passerait aussi vite que toutes les autres, pour laisser place aux rayons de soleil matinaux. En octobre, la météo était aussi changeante que le caractère des Ecossais, tantôt chaleureuse et calme, tantôt brusque et morne.
Je regardais par la fenêtre la balançoire aller d'avant en arrière comme si quelqu'un se balançait dessus. Un sentiment de nostalgie s'empara de moi en repensant à tous ces moments de joie et de rires passés avec ma grande sœur, Océane, lorsque nous étions petites et que nous nous amusions des heures entières, dehors par tous les temps. Des moments derrière nous depuis longtemps. La semaine dernière, elle est partie à Édimbourg, à environ deux heures en voiture de notre petit village de pêcheurs, pour sa deuxième année d'études en art. Au début, mes parents n'étaient pas d'accord de la laisser partir, malgré ses dix-huit ans et sa bourse d'étude.
Ils avaient toujours été comme cela, méfiants à propos de tout et très protecteurs. Dès que nous amenions quelqu'un à la maison, ils voulaient tout savoir sur cette personne, allant de ses loisirs jusqu'à ses origines, alors que nous ne connaissions même pas la nôtre. Je n'ai jamais connu mes grands-parents, ceux du côté de ma mère sont décédés alors que je n'étais qu'un bébé. Et mon père ne voit plus ses parents à cause d'une grosse dispute, il y a de cela bien longtemps, avant même que je ne vienne au monde, nous n'étions que les quatre. Parfois avec ma sœur nous avions tellement honte de nos parents que nous préférions voir nos amis ailleurs que chez nous. Mais depuis qu'elle était partie, je n'avais plus le droit de sortir de la maison.
Depuis qu'elle avait commencé l'université, je ne la voyais presque plus, seulement pour les fêtes et pendant les vacances. Je m'imaginais ce qu'elle était devenue, une belle femme, grande et mince avec des cheveux bruns et des yeux couleur noisette, une bouche pulpeuse et un nez concave. Parfois, je me voyais à sa place, loin de cette maison, loin des règles stupides et de ma famille qui faisait tout pour que je reste car elle n'avait pas envie de voir partir leur autre fille. Je m'imaginais être Océane, forte, avoir son énergie et son courage, car elle n'avait jamais eu peur de dire à nos parents ce qu'elle pensait, contrairement à moi. J'avais beau être aussi grande et mince qu'elle, je ne lui ressemblais pas, j'avais des cheveux blonds et longs, des yeux bleu-vert, une bouche fine et un nez avec une bosse au milieu. Je n'étais pas sociable, je n'attirais pas tous les regards et je préférais rester dans l'ombre loin des problèmes et des disputes. Le plus grand désaccord que j'eusse eu, ce fut quand ma meilleure amie et moi avions été amoureuses du même garçon et que nous nous étions disputées pour savoir qui avait le droit de sortir avec lui, mais après avoir réfléchi à notre querelle, j'avais abandonné pour lui laisser le champ libre car je ne voulais pas que cela brise notre amitié qui se termina quand même deux ans plus tard lorsqu'elle déménagea en Angleterre. Et depuis qu'elle était partie, je n'avais eu que quelques amis, qui n'étaient pas assez proches pour que je les emmène chez moi afin de faire la connaissance de mes parents et je n'ai plus eu d'amoureux.
Contrairement à la vie parfaite de ma sœur, j'avais l'impression d'être une fille anormale qui n'avait pas sa place dans ce monde et qui se sentait incomprise, seule, isolée. J'avais l'impression de mener une vie morose, sans surprise, sans aventure ou mésaventure, une vie dictée par mes parents qui me disaient quoi faire et à quel moment.
Pendant que la tempête faisait rage dehors, je regardais la pièce autour de moi et les objets qui m'entouraient. Il n'y avait des photos que de nous quatre, aucune de ma famille et de mes parents jeunes, elles avaient toutes été remplacées par celles de la vie de nos parents depuis que nous étions venues au monde ma sœur et moi, pour montrer à tout le monde que, souriants, nous étions une famille aimante et unie. Mais ce n'était qu'une façade, cela faisait longtemps que je n'avais pas eu une vraie discussion avec mes parents, je ne les voyais que pour les repas que je prenais en grande vitesse pour retourner au plus vite dans ma chambre.
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Leina
ParanormalC'est l'histoire d'une adolescente qui se sent mal dans sa peau, seule, délaissée par ses parents et par sa sœur partie de leur maison familiale pour aller à l'université loin d'elle, une fille qui n'a pas beaucoup confiance en elle et qui aurait pr...