écho n°1

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Adam serra les doigts. Il sentait son corps piquer, vriller droit, comme attiré par les entrailles de la terre. Ses jointures blanchies, ses muscles contractés sous la chaleur de sa peau, les yeux enfoncés sous une barre de sourcils touffus, les lèvres meurtries devenues rosées suite aux morsures, acharné qu'il était.

Les nuages défilaient à grande vitesse près de lui. S'il les voyait ? Bien sûr que non, ses yeux étaient serrés, comme sur le point de convulser.

Il sentait sa tête se balancer à l'arrière sous la pression.

Des frissons parcoururent son visage translucide constellé de tâches de rousseurs qui semblaient fondre sous les secousses brutales.

Il prit une profonde inspiration, inspirant, expirant. Son souffle semblait être haché menu par l'angoisse qui montait en lui, s'emparant de ses jambes qui commençaient à flancher.

S'emparant de son ventre qui se nouait en lui donnant la nausée.

Comprimant son thorax lequel était broyé par des mains d'acier.

Haletant, il inspira une dernière fois, ferma ses paupières, serra les dents.

Comme un mirage. Comme un moment au dessus des nuages. Tout s'arrêta. Suspendu au dessus de tout.

Noyé.

Puis remonté à la surface.

Comme par magie.

Il entrouvrit les yeux, de petites perles humides roulaient contre sa peau suante. Il tourna avec appréhension son visage, rempli d'hésitation.

Il y était.

Il avait atterri.

Il expira, tentant de redevenir maître de son corps. Autour de lui, on se pressait pour sortir rapidement de l'appareil. Les bras remplis de sacs, de stress, de valises, de hâte, et d'excitation.

Adam attendit patiemment son tour, regardant avec indifférence la vague humaine s'écraser contre la minuscule sortie.

Quand l'attention fut complètement tourné vers la foule, il enfonça ses écouteurs dans ses oreilles, vérifiant à plusieurs reprises leurs positionnements.

Ils ne devaient pas quitter leurs emplacement.

Le jeune homme se releva de toute sa longueur, ses longs bras étendus, qui semblaient se dédoubler quand il les étira pour attraper son sac à dos dans la cabine.

Quasiment vide.

Ses lèvres s'étirèrent et d'un pas hésitant mais rapide, il se dirigea vers la sortie désormais déserte, un soulagement certain retira un poids de sa poitrine.

Son premier pas ici depuis des années. Un léger crachin accueillît son retour.

Toujours aussi aimable.

Malgré ses pensées contradictoires, qui semblaient livrer un véritable combat de gladiateurs là-haut, une pointe de joie apparut au milieu de ce duel. Il était quelque peu heureux, oui heureux ? Étais-ce le mot approprié ? Il n'en savait rien. Il savait juste que l'angoisse avait perdu du terrain, et ne contrôlait plus que ses longues guiboles, qui semblaient elles-seules agir de leur propre volonté.

Adam inspira une nouvelle fois, puis se lança, les ongles plantés dans la bandoulière de son ballot.

Il devait le faire.

Il n'avait pas mis les pieds à Londres depuis tant d'années que voir la Tamise se complaire dans ses remous noirs de jais, qui semblaient ricocher entre la Chambre des Communes et l'Hôpital Saint-Thomas lui semblait être une vision surréaliste. La pluie fine tambourinant sur les épaules des grandes figures de ce monde au Westminster Square lui paraissait être une extraction de sa mémoire décousue. Du temps, il en avait passé, près de ses jardins, de ses cafés, près de ce respect mutuel que les habitants portaient à tout à chacun, qui contredisaient leurs démarches pressées et leurs regards parfois vides.

« hear no evil »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant