49. Aurore

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    Aurore ne se souvenait que vaguement de ce qui avait succédé à son évanouissement puis son réveil. Lorsqu'elle avait ouvert les yeux, Jordan était penché au-dessus d'elle, le visage pâle et strié de contusions. Luca était là aussi, assis à côté d'elle, l'air grave, soulagé et triste tout à la fois. La blonde n'avait pas eu le temps de demander des informations sur ce qu'il se passait qu'elle avait replongé dans le néant.

    Lorsqu'elle s'était réveillée pour la deuxième fois, la nuit était tombée. La tête encore pleine de sifflements dûs aux bruits des combats passés, elle avait exigé des explications. La jeune fille avait donc appris comment Philippe avait saisi l'arc de Morgane et lui avait tiré une flèche dans la poitrine, manquant de peu son cœur. Elle avait appris comment Luca, la voyant s'écrouler, avait vu rouge et s'était jeté sur Philippe à l'aide d'une épée laissée là, et comment il l'avait tué d'un seul coup bien maîtrisé.

    Ils avaient gagné. Voilà ce qu'elle retenait de tout ça, voilà le plus important de l'histoire. Ils avaient vaincu Philippe et ses sbires, ils avaient réussi à sauver non pas un mais deux mondes. Ils avaient payé le prix fort, mais ils avaient réussi.

    Elle n'avait pas pu dormir, mais personne n'y était parvenu. Ils étaient restés silencieux la nuit durant, pleurant leurs amis morts. Aurore avait même appris que ses frères avaient disparu en même temps qu'elle avait tué le mage noir, ce qui ne l'inquiétait pas. Au contraire, la magie ayant disparu avec son possesseur, il était évident que Sean et Leo étaient libres de trouver la paix.

    Lorsque le jour s'était levé, ils avaient organisé un bucher funéraire pour rendre honneur à ceux d'entre eux tombés au combat. Les souvenirs qu'en gardait la jeune fille étaient flous, troublés par les larmes qui coulaient de ses yeux alors. Elle avait vomi son petit-déjeuner, déjà avalé à grand peine, avant même que la fumée ne monte dans le ciel.

    À présent, elle était allongée sur son lit de camp, dans la salle de classe qui leur servait de dortoir. Comme une grosse partie du lycée s'était effondrée sous les nombreuses explosions dues à Merlin et son frère, ainsi qu'à Aurore elle-même, ils avaient regroupés tous les lits dans la même pièce, filles et garçons mélangés.

    La blonde avait besoin de sommeil, elle le savait parfaitement, mais elle n'arrivait pas à dormir. Elle entendait Pierre sangloter dans un coin de la pièce, allongé sur son propre lit, tandis que Thomas tentait de le réconforter. Se remettrait-il un jour de la perte d'Alissia ? Aurore n'en était pas certaine, tout comme elle n'était pas certaine de pouvoir elle-même se remettre de toutes les pertes subies.

    La princesse avait tant l'impression d'étouffer qu'elle se leva et sortit en courant. La lourde porte en bois claqua derrière elle, et la princesse s'effondra sur les marches d'escalier. Elle entendit vaguement que la porte s'ouvrait sur quelqu'un, elle sentit vaguement une présence s'imposer à côté d'elle, mais ses halètements résonnaient trop dans sa tête pour qu'elle réalise vraiment de qui il s'agissait.

    Il lui fallut dix minutes pour réussir à se calmer, dix minutes au cours desquelles elle crut étouffer et manquer d'air à de nombreuses reprises. Un médecin aurait qualifié cela de crise de panique, mais qui n'aurait pas eu de tels accès après ce qu'elle avait traversé ? Elle ne prétendait pas avoir subi plus que les autres, ç'aurait été injuste et faux, mais elle était traumatisée, c'était indéniable.

    Aurore posa sa tête sur l'épaule de la personne à côté d'elle. Les boucles brunes qui retombèrent devant ses yeux lui indiquèrent qu'il s'agissait de Luca, et le garçon lui prit la main. Il la serra fort dans la sienne.

Luca : Ma question est stupide, mais... Est-ce que ça va ?

    En effet, sa question était stupide. Mais Aurore savait qu'on ne la posait jamais vraiment pour s'inquiéter de l'état d'une personne, mais plutôt pour souligner le fait qu'on était là pour elle. Au travers de la question, il fallait percevoir la promesse d'un soutien sans faille. Alors elle ne répondit pas, mais des larmes silencieuses coulèrent sur ses joues.

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