Idée de thé

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La buée s'étends sur la vitre, s'amplifiant paisiblement sur la surface dure et froide, obstruant doucement la vision de la forêt au bord de la mort. Morne et orange, annonceuse d'un hiver prochain qui viendra.

D'un naturel flegme impassible, les saisons vont et viennent, dans une danse presque alanguie, nous entraînant avec elle. Millénaire, cette douce mélopée je peux presque l'entendre si je ferme les yeux.

Je goûte à l'odeur d'une tarte aux pommes qui cuit, aux effluves de citron et de cannelle flottant dans l'air, j'entends les feuilles qui caressent le vent à l'extérieur et j'attrape l'idée d'une vieille horloge dans la pièce voisine, faisant écho à mon coeur, étreinte d'une autre époque. Je prétends entendre le contentement de mon chat sous la forme d'un ronronnement ténue, l'imaginant s'étirer mollement dans la frêle lumière automnale. Ce rayonnement timide est un souvenir terne des flamboiement de l'été passé, un souvenir qui nous laissera espérer les splendeurs d'un futur printemps. Si j'envie déjà les couleurs à venir, ces teintes de sépia me ravissent le coeur. Alors que la nature se prépare à s'endormir, je me réveille, douloureuse et engourdit de l'avoir tant observé. Mes doigts picottes d'être resté sous mes cuisses si longtemps. Je n'ai pas envie de bouger et de perturber cette ambiance heureuse et paresseuse. Je voudrais graver l'instant. Peut-être que je me servirais de cette impression pour peindre une toile. L'idée m'évoque déjà le bruit de pinceau sur le tissus tendu, en des teintes ocres évoquant une forêt ciselé, impassible et éphémère dans sa beauté.

Le froid me rends d'humeur à porter un lourd pull en laine et des chaussettes de la même matière.

Encore distrait par l'instant, mes pieds gelés frottent sur le parquet alors qu'enfin je me mouvoie.

Je convoite une tasse de thé pour me réchauffer. Avec des cerneaux de noix, frais et lourd dans ma main avant d'être écalée, croquant sous la langue, sucré, légèrement amer. Peut-être allumer une bougie pour rappeler l'odeur d'une cheminée. L'idée d'un coma sucré induit par des marshmallows me séduit également fortement.

Dans la cuisine, je m'affaire délicatement à préparer un plateau de thé avec des fruits à coques et quelques restant de pomme déjà partiellement oxydé. Chaque bruit résonnant étrangement dans l'atmosphère doucereuse que je m'efforce de ne pas briser. Bientôt il me faudra renoncer à l'idée et accepter de me mouvoir avec intention vers ma journée de travail, mais je savoure l'instant tant qu'il est à ma portée. Nostalgique alors même que je n'ai pas encore quitté cette épisode de ma vie.

RespireWhere stories live. Discover now