Chapitre 44 : Décollage

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Ael était allé dans le bureau du général Pimor pour falsifier son dossier. Il était de nouveau officiellement membre de la garde royale au poste de la protection de la princesse cadette. Eil, ses deux gardes et l'apprenti étaient rentrés dans le dirigeable de bon matin. La princesse n'avait pas eu l'autorisation de dire au revoir à son entourage. Surtout depuis que ses gardes avaient remarqué le carreau brisé de sa fenêtre. Elle s'était soignée comme elle avait pu et avait choisi des vêtements recouvrant bien son corps pour cacher les égratignures.

À peine était entrée dans sa cabine que les gardes martyrisaient déjà l'apprenti. Elle les entendait le bousculer en le taquinant sur sa soi-disant liaison avec elle.

« Cesrumeurs stupides sont toujours d'actualité ? »

C'est elle qui avait mis Ael dans cette galère, alors c'était son devoir de le protéger contre ces brutes. Elle sortit aussi sec de sa cabine à contrecœur alors qu'elle avait de très nombreuses heures de sommeil à rattraper. Elle s'installa dans le grand salon pour pouvoir tenir à l'œil ses gardes.

« Quelle ironie ! ».

Malgré tous ses efforts pour ne pas s'endormir au fond de son fauteuil en velours, avec une tisane de migrabeille comme seule compagnie, elle ne se réveilla qu'au décollage de l'appareil.

-Décidément tu seras la honte de la cour de Morglas. Heureusement que je suis là pour t'inculquer les bonnes manières.

Eil sursauta. En face d'elle une femme aux iris mauves, aux cheveux blonds en anglaises et une peau pale à en faire peur.

-Tor-Pen, qu'est-ce que tu fais là ?

Une voix rauque lui répondit.

-Nous allons à Morglas trouver un mari de qualité à ma chère et tendre sœur.

Feulst s'assit à coté de sa sœur après lui avoir déposé un baiser sur le front.

Eil était estomaqué. Kentan lui avait bien dit que les contrats entre Morglas et Wezenn comprenaient notamment le mariage de plusieurs frères et sœurs de Feulst avec des nobles de Morglas, mais pas une seconde elle avait pensé que ça aurait pu être Tor-pen !

« C'est une blague ? Je vais vraiment passer le reste de mes jours avec cette otarie casse pied ! ».

« Je t'entends le ouistiti ! Si tu n'es pas contente retourne vivre à la sauvage dans un arbre ! »

« C'est toujours mieux que d'aller se geler dans un igloo, espèce de sale petite... »

-On se calme, les filles ! fit Feulst en bousculant gentiment sa sœur. On va passer de bonnes vacances au soleil, alors détendez-vous !

Eil était étonné que Feulst puisse percevoir leur dispute télépathique. Celui-ci lui fit un clin d'œil aux pupilles mauves.

-Des années d'entraînement. C'est toujours un peu la guerre à la cour de Yenbras. On développe les armes qu'on a, s'expliqua-t-il.

Effectivement leur famille royale était dotée d'une fécondité impressionnante. Ces deux-là avaient plus d'une dizaine de frères et sœurs et avaient d'innombrables cousins. C'était le genre de situation qui pouvait créer des tensions au niveau de l'accessibilité au trône. Les assassinats d'enfants et de tentatives de coup d'État étaient monnaie courante là-bas.

-Ne t'inquiète pas pour nous, lui fit Feulst qui avait compris le sens de ses pensées. Environ une fois par génération, le roi fait un grand ménage.

Eil but une gorgée de sa tisane froide. Elle se rappelait parfaitement la dernière purge. L'information avait fait le tour du monde. C'était à l'époque où Eil ne sortait pas encore du palais mais chipait les affaires personnelles des domestiques. Des journaux notamment. Elle se rappelait les photographies d'une cinquantaine de personnes pendues avec leur propre écharpe de soie à l'entrée du palais de Yenbras.

Lorsque Les Arbres Auront Des CrocsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant