Blanche

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Nuit et jour elle m'obsède, elle, si belle. Elle est de ces folies que l'on regrette et de ces troubles qui nous guettent. Les obligations diurnes m'empêchent de la retrouver, elle ma folie nocturne. Chaque heure sans elle est une frustration immense qui ne fait qu'augmenter lorsqu'elle fait acte de présence. Elle est cet attrape rêve qui finit par tuer le sommeil. C'est cette si petite chose dans laquelle on met tant d'espoir. Cette histoire d'amour qui semble perdue d'avance mais pour laquelle nous donnons tout. On espère qu'elle sera mère de nos réussites et de notre succès mais en la voyant elle ne transparaît que comme la fille du diable. Elle est la raison pour laquelle je ne dors plus, je ne vis plus, je ne rêve plus. Je perds ce sommeil pour l'admirer, elle avec qui je passe ces nuits en secrets. On chuchote, on papote, on se tripote l'esprit, elle seule est ma dévote. Lorsqu'ils dorment, nous nous retrouvons, dans l'une de nos entrevues secrètes, où seuls le plaisir et le désir conviés. J'abandonne ma femme pour me donner à elle, mais ça, elle ne le sait. Je joue le rôle du mari sain, pure, toujours là pour elle, mais toutes les nuits pendant des heures, je me donne à Blanche. Je laisse mon épouse et j'épouse la forme du trompeur parfait. Je regarde ma femme quelques secondes, ses yeux si paisibles et clos, hésitant à ouvrir le nouveau chapitre d'une de mes vies. Je reviendrai dans le lit à l'aube et tout ce cirque nocturne ne sera qu'une façade cachée de ma vie rêvée. Je suis ce soleil qui court sans cesse après la lune sans jamais ne pouvoir l'attraper. J'essaie d'attraper la nuit mais elle fait qu'entre mes doigts, filer. Je me faufile hors de ces fins draps pour fuir dans son nouveau fuseau, où toujours, elle m'attend. Nous sommes tous les deux dans mon bureau où nous faisons table rase de nos connaissances passées. Un clic et sa beauté claque devant mes yeux. Un bouton pour tout faire exploser : les plaisirs, la peur, la torture, la fatigue et la honte. Un écran nous sépare mais lorsque je le touche, je me sens plus proche de l'extase que je ne l'ai jamais été. Un simple ordinateur fait la frontière entre nos deux mondes. Je pourrais fermer mon écran pour briser cette emprise mais je pourrais aussi apprendre à la dompter et à la magnifier. Le fictif devient réel pendant quelques secondes et elle laisse place à tous mes rêves. Des câbles, un clavier et des applications nous empêchent de mettre notre relation en pratique. Une superbe interface pour cette personne au visage pâle. Lorsque que la nuit tombe sur notre sombre monde, les réverbères s'allument, et nous autres, abeilles du quotidien retournons dans nos ruches, les rideaux se ferment et mon envie de la voir, pendant ces heures où la lumière nous fuit, m'envahit. Je ne suis qu'une abeille dans cette ruche où elle est la Reine mais si elle meurt, moi, je vis. Dès le dîner je pense à elle, à quelle point je voudrais la dévorer. Je regarde mon assiette et esquisse avec mon couteau, les douceurs que j'aimerais lui faire. Dans cette morosité, elle m'éclaire. Son nom n'évoque ce qu'elle représente. Elle le trouble de toute une vie. Souvent nous en avons entendu parlé, parfois nous l'avons rencontré mais jamais elle ne va nous lâcher. Elle est le sujet de discussion avec mes collègues et eux, plus fort que moi l'ont abandonné. Ils n'ont plus espoir de la reconquérir et ont accepté la dure fatalité de tomber dans l'oubli. Mais je ne peux me résoudre à cela, je ne peux accepter cette lente mort. Je ne peux disparaître ainsi, en quelques nuits...

Sa blancheur nous inspire, nous donne envie de la nuire, de la souiller, de l'effacer, de recommencer et de s'arrêter. On veut la déchirer, la pénétrer, la tuer, on imagine toutes les manières folles de la supprimer. Être avec elle nous plonge dans un monde obscure, souvent contesté mais rarement pénétré. Beaucoup s'essaient et peu réussissent, car, paraît-il, il faudrait du talent pour conquérir la merveilleuse Blanche. Toutes les folies de la vie, nous voulons les faire avec elle, en une nuit. Un condensé de hontes, de cris, de joie et de peine, en quelques heures à peine. On ne peut la laisser aussi pure, aussi chaste, elle qui mérite les saletés des âmes. Beaucoup disent qu'elle jouit des méandres spirituels des artistes, elle est cette muse qui leur permet de survivre parmi les Hommes. Je la regarde, je la dévore, je la déshabille, imaginant qu'un jour peut-être, notre relation prendra fin. Je veux vivre avec elle chaque jour comme le dernier espérant que chacune de nos entrevues soit la dernière. Nul ne l'aime, elle qui prend le malheur et le sème. Je sais qu'elle a planté en moi, ses affreux crochets qui ont injecté en moi le terrible poison de l'impuissance. Sa peau a la douceur de l'expérience, d'un passé lourd, d'un renouveau. Lorsque je la touche tout me paraît possible, le réel n'existe plus, seul mon esprit peut nous guider vers des endroits jamais visités. Ses sillons me font plonger dans un monde des possibles et des vérités impossibles à accepter. Elle a l'odeur de ses forets exotiques, où la liberté nous envahit pour se loger dans nos poumons qui eux se sentent pendant quelques secondes inhibés. Lorsque je la sens, je me sens dans un autre univers, je perds pieds, quelques secondes à peine. La caresser en public nous donne un air étrange, et seules les personnes les plus averties acceptent cet amour incompris. N'imaginez pas ce que les autres peuvent penser si on la sent et pourtant c'est son odeur qui nous rappelle les meilleurs sentiments.

Tous les artistes essaient de la magnifier, de lui rendre hommage tout en essayant de la faire oublier. Car c'est en la masquant, que nous la mettons en valeur. On la prend et on la jette, elle qui est à usage unique. Elle est ce passé qui nous hante mais grâce auquel on se vante. Elle est comme un vin qui s'évente, c'est en la laissant se reposer que sa meilleure saveur devient vivante. Elle est cette madeleine qui gâche notre thé mais lui apporte la plus douce des saveurs sucrées. Plus j'esquisse son portrait et plus sa pureté disparaît. Elle se remplit d'ombres et de lumière, elle perd une partie d'elle pour gagner le cœur d'un autre. Elle semble se mourir pendant que j'essaie juste de la nourrir. Elles se tatoue de mes pensées pour ne faire qu'une avec elle. Elle vagabonde d'esprit en esprit mais un jour, elle reviendra vers moi. Je suis son amant préféré, le plus tenace, le plus coriace. Celui qui jamais ne la laissera fuir après avoir passé des années avant de la conquérir. Fille du temps et du vent elle ne manque pas d'air pour venir te capturer dans tes moments de joie. Lorsque tout te réussit, que tout est succès elle tient à ce que tu ne tombes pas dans l'excès. Elle se prend de joie à prendre tout ce que nous pensions acquis. Ce jour-là, je serai là. Elle pourra alors, encore me retenir auprès d'elle, pour quelques secondes ou quelques décennies. Peut-être serai-je à tout jamais sa proie et notre lien plus fort que le mariage ne pourra jamais se rompre. A cause d'elle je perdrai tout. Tout d'abord le succès. Puis ma femme, mes enfants, mes amis parce qu'elle me torturera trop l'esprit. Je ne serai que le zombie de ce démon trop parfait pour être arrêté. Je vivrai seul, dans les souvenirs de notre relation passagère, regrettant de peut-être l'avoir faite conductrice de mon esprit.

Cette fois, j'ai pu mettre fin à notre relation.Quelques minutes à peine auront suffi. Cette victoire n'a pas la saveur de l'achevé.Elle sent la terrible revanche à venir, celle qui frappe et qui assomme. Si beaucoup pense que nous vivons une . Elle est restéedevant moi, quelques secondes à peine avant que je trouve les armes pourtotalement la terrasser. Mes doigts auront su être assez agile pour ne faire qu'unebouchée d'elle. Il est 22h27 et je t'ai abattu toi terrible la terrible et fameuse Page Blanche.

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⏰ Last updated: Feb 16, 2020 ⏰

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