Juste un mauvais moment à passer

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« Le noir est une couleur en soi, qui résume et consume toutes les autres. »

Henri Matisse


Une semaine avant le diagnostic.

Comme tous les matins, j'étais coincé dans les embouteillages. Nous étions jeudi. Cela faisait déjà presque quatre mois que nous avions emménagés dans notre nouvelle maison. Quatre mois à vider des cartons, monter des meubles et finaliser quelques travaux d'intérieur et d'extérieur, notre foyer était désormais bien aménagé et complètement fonctionnel. Bien entendu, mon quotidien comptait également une dizaine d'heures de travail par jour ainsi que la gestion des deux garçons. J'étais exténué. Mes insomnies étaient devenues quotidiennes. Paradoxalement, Thibault faisait désormais ses nuits.

J'attendais mes prochains congés avec impatience. J'avais vraiment besoin de faire un break. Je ne me souvenais même plus à quand remontait la dernière fois que j'avais pris un peu de temps pour moi. J'avais également oublié la dernière fois où je me suis senti heureux.

Ce matin, je n'avais mis ni la radio ni la musique. J'étais ailleurs. En regardant mon visage dans le rétroviseur, je constatais à quel point du rouge contrastais avec mes yeux bleus clairs.

T'as vraiment une sale tête ce matin. Pas que ce matin d'ailleurs, t'as une sale tête tout court.

J'avais déjà fumé trois blondes pendant le trajet. Comme nous nous étions éloignés de la ville, ce dernier s'était rallongé. Ma gorge était irritée et je toussais régulièrement. Je n'avais vraiment plus envie d'aller travailler depuis quelques temps.

C'est donc ça ta vie ? Faire tous les jours un job qui ne sert à personne, sans envie et uniquement pour pouvoir rembourser un crédit. être l'esclave de tes enfants. Même avec Lucie c'est bizarre, j'ai l'impression qu'on est devenu des colocataires. Allé mec c'est rien, c'est juste un mauvais moment à passer.

Je sentis comme une boule apparaître dans mon ventre. J'étais angoissé. Je me suis donc allumé une autre cigarette pour essayer de la faire passer. Je ne l'ai bien sûr pas du tout apprécié.

Une fois arrivé au bureau, je suis resté au moins cinq minutes dans la voiture avant d'en sortir en me faisant violence. Je n'avais vraiment pas envie d'être là. Je n'avais pas non plus pré-planifié ma journée comme à mon habitude.

« Bonjour tout le monde, dis-je sans entrain en entrant dans l'open space. »

Les réponses que je reçus furent plus joviales. Je fis mon éternel tour. Anna, une fille dynamique et enjouée, me remit un classeur rouge pour vérification. Il s'agissait des trois nouveaux lotissements de Xavier. J'avais toujours trouvé qu'elle avait beaucoup de charme. Je pris le classeur en demandant :

« L'ensemble des éléments pour les trois lotissements sont terminés ?

— Oui Monsieur, me répondit-elle avec un grand sourire, Xavier nous a ramené ses esquisses assez tôt pour une fois. Avec Gabriel et Alice, on a pu terminer dans les temps.

— Ok c'est top, merci beaucoup. »

J'enviais sa joie de vivre. Dire que j'étais comme cela il y'a encore quelques temps. Gabriel avait eu son premier bébé, il avait repris du poil de la bête. Je m'en réjouissais pour lui.

Je me suis installé à mon bureau. Le classeur rouge était posé devant moi. Il fallait que j'épluche les différentes parties pour les valider. Je suis resté à fixer ce dernier pendant au moins cinq minutes avant de trouver la force de l'ouvrir. Armé d'une règle, d'une calculatrice et d'un logiciel métier, je me suis mis au travail. J'avançais très lentement car j'avais du mal à me concentrer.

Mes trois meilleures amiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant