Naël (1)

676 36 19
                                    

Ça pourrait très bien être lui.

Ou lui.

Ou n'importe lequel d'entre eux.

Je laçai mes chaussures tout en observant discrètement chacun des garçons qui s'exerçait dans le gymnase, à l'affut du moindre indice, du moindre détail troublant. Après deux semaines d'intensives recherches, qui se révélaient toutes infructueuses, ça commençait à devenir frustrant.

Et moi, je commençais à devenir fou.

Je me redressai, saisis un ballon et me rendis à petites foulées sur le centre du terrain, ignorant les regards décontenancés que certains gars me lançaient encore. À en croire les rumeurs, les gays ne seraient pas de grands sportifs ; évidement nous passons tout notre temps libre à faire du shopping ou à nous repoudrer le nez. Chacun ses priorités. Le sport c'est un truc viril, un truc de vrai bonhomme.

Ha ha ha.

Sérieux, qui croit encore à ça aujourd'hui ?

Apparemment, une bonne partie de l'équipe masculine d'handball du lycée Christian Fouchet. Ils n'avaient toujours pas digéré mon inscription, même si ça faisait désormais trois semaines que je participais aux entrainements. À mon avis, ce qui devait les déconcerter au plus haut point, c'est que je m'étais révélé plutôt doué avec un ballon. Eh ouais les blaireaux, elle en a aussi dans le caleçon, la pédale.

Bon ok, je n'avais pas rejoint le club dans le seul but de prouver que je valais autant qu'un hétéro sur un terrain. Pas du tout. Pour être tout à fait honnête, je m'en fiche pas mal de ce qu'ils pensent. Et, j'avoue, le sport c'est pas particulièrement mon truc. Comprenez-moi, je n'ai jamais vraiment compris l'intérêt de courir après un ballon pendant des heures tout ça pour finir trempé de sueur (glauque) ou frôler l'apoplexie. Prouver sa virilité ? Très peu pour moi.

Mais ça ne veut rien dire. Si vous voyiez Fabbio, vous réviseriez votre avis sur le sport et les gays. Ce gars, c'est une machine de guerre. Ce gars, il est génial.

D'ailleurs, je ne sais pas ce que je serais devenu sans lui. Là comme ça, je donne l'impression de rien en avoir à faire du regard des autres...

C'est vrai. Je m'en contrefous complétement.

Mais ça n'a pas toujours été le cas ! Il y a encore trois ans, je ne m'assumais pas, je n'étais qu'un gay refoulé perdu dans une masse d'hétéros conformistes, emballant le plus de filles possibles pour faire briller mon palmarès avant de me retrouver sur des sites gays pour mes plaisirs solitaires.

Mais bon, y'a des signes qui trompent pas, je savais qu'au fond je n'étais pas intéressé par les seins des filles, mais plutôt par le petit cul du prof de math - si vous voyez ce que je veux dire.

Dans mes nuits, j'étais la poupée qu'on habille et qu'on déshabille, comme dirait l'autre.

C'est surement pour ça qu'entre moi et mes copines, ça n'a jamais vraiment collé. Je crois que mon record de temps passé en couple, c'est deux mois. En troisième, avec ma voisine de classe ; elle m'aidait en maths. Bref.

Mais tout a changé à la rentrée de seconde. Nouveau lycée, nouvelles têtes. Et c'est là, que j'ai rencontré Fabbio. J'ai tout de suite su qu'il était gay : la petite boucle d'oreille, les jeans moulants...

Je crois qu'il a vite compris pour moi aussi. Assez en tout cas pour me demander cash si j'avais un copain. Bon, au début j'ai joué les mecs offusqués : « T'es fou, chuis pas pédé moi ! »

Pitoyable. Il lui a suffi d'un regard pour abattre toutes mes défenses et me révéler à nu dans toute l'étendue de mon honteuse condition. Ce jour-là j'ai compris que le mensonge ne pouvait plus durer.

LiésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant