Je suis blanche comme un cachet d'aspirine. C'est un fait et malheureusement, je ne peux rien y changer. À côté de Jayde et sa jolie peau hâlée, je suis si pâle que j'ai l'air d'un rouleau de printemps !
Gênée par mon physique, je reste assise au bord de mon transat, n'osant pas défaire la serviette de bain dans laquelle je me suis savamment enroulée.
En réalité, j'ai honte de l'image que je renvoie.
Il faut dire que depuis ma rupture avec Jeff, la confiance que j'ai en moi a fondu comme neige au soleil. J'admets volontiers qu'il ne mérite pas que je me mette dans cet état cependant, c'est plus fort que moi. Mon humeur ne décolle pas des talons. Je déprime au point que mon teint translucide traduit la tristesse qu'est ma vie.
Mon amie Jayde est adorable. Elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour m'aider à ne pas sombrer. Elle a gentiment proposé de m'embarquer chez ses parents, propriétaires d'un grand hôtel en bord de mer.
J'ai l'habitude d'y aller. C'est d'ailleurs à cet endroit que j'ai rencontré Jeff, son père y tient le bar de la plage. Il connait tout le monde là-bas, et tout le monde le connaît. Jayde et lui sont des enfants du pays.
— Tu verras, tu l'oublieras vite, si tu t'amuses.
— Je voudrais tellement qu'il revienne.
— Il ne reviendra pas Victoria. Je sais que c'est difficile pour toi, mais il ne faut plus espérer.Jayde a raison, pourtant je ne parviens pas à me défaire de l'idée que tout pourrait recommencer. J'aime toujours Jeff, et je refuse de ne plus l'aimer.
Au départ, notre histoire était mal engagée. Il faisait partie d'une bande de copains tous aussi bruyants les uns que les autres. J'ai eu beaucoup de mal à supporter leurs jeux trop puérils. Alors que je somnolais sur ma serviette de plage, j'ai reçu un tas de sable sur la figure, et mon sang n'a fait qu'un tour en voyant son visage hilare. Vexée, je me suis levée d'un bond pour me mettre à sa hauteur. Puis, je l'ai insulté du mieux que je pouvais, avant de lui balancer en retour, une trainée de sable dans sa tronche de beau gosse.
Décontenancé par ma réaction, il m'explique alors qu'il a trébuché, ce qui a provoqué le voltige du sable vers mon visage; Rien de prémédité d'après ce qu'il prétend encore aujourd'hui. Mon caractère impérieux et moi avons décidé de nous venger, en lui faisant payer cet incident durant quelques semaines.
Finalement, après quelques explications et quelques soirées passées ensemble, nous avons commencé à mieux nous comprendre et même, à nous apprécier. Très vite, tout est devenu plus sérieux entre nous. Et à la fin de l'été, nous avons décidé de vivre ensemble. Dès qu'il a pu, Jeff m'a suivi à Paris.
Je me souviens encore de la réaction brutale de mon père: « Tu es à Paris pour faire des études de journalisme, pas pour te précipiter dans un pseudo-concubinage avec un homme qui ne sait rien faire de ses deux mains. Tu vaux mieux que ça Vicky ! ».
Pour Papa, brillant neuro-chirurgien, sa fille unique ne méritait pas de finir sa vie avec un prof d'EPS. Il aurait voulu que je lui présente « Quelqu'un qui pèse » comme il aime dire.
Mais je n'ai jamais suivi ses conseils le concernant, parce que j'ai mon homme dans la peau. Parce que Jeff est divin, beau comme un Dieu. Blond comme les blés, un peu gringalet c'est vrai, mais tellement craquant ! Son regard bleu lagon semble irréel, Jeff est tout simplement parfait.
Je me rends compte que je suis incapable de parler de notre relation au passé.
En dépit des désaccords parentaux, nous nous sommes fiancés l'été dernier. L'un des plus beaux jours de ma vie. Sa demande a été magique, digne d'une comédie romantique.
Et là, à deux mois du mariage ce goujat m'annonce par SMS qu'il ne m'aime plus, et qu'il met fin à notre relation. Je meurs à chaque fois que je relis ce message.
Le plus dur, c'est que la veille encore nous étions au restaurant, tout allait pour le mieux et rien ne laissait présager un tel revirement. Nous nous aimions. Qu'a-t-il pu bien se passer pour qu'il prenne cette décision ? Je voudrais qu'il m'explique, j'ai tellement de questions en suspens.
Depuis ce texto assasin, il prend un malin plaisir à refuser mes appels. La semaine dernière il a vidé notre appartement de ses effets personnels, je l'ai supplié de me parler, mais il n'a jamais eu un mot pour moi. Aujourd'hui, le temps que je ne passe pas à pleurer, je le passe à chercher un moyen de le récupérer.
Heureusement, Jayde est là pour moi. Le souci est que je ne suis pas de bonne compagnie. Je voudrais retrouver Jeff et lui dire que je lui pardonne tout. Pourtant, au fond de moi, je sais bien que je ne dois plus penser à lui, mais la plaie de mon coeur est béante; cette douleur me rappelle chaque seconde, combien Jeff manque à ma vie.
Alors je reste là, assise sur le bord de mon transat, le regard vide vers l'horizon et je dépérie.
Jayde me tire par le bras et m'oblige à sortir de mes pensées lugubres. Elle m'intime l'ordre d'enlever cette maudite serviette. Je lui souris et m'exécute.
— Allez détends-toi Victoria !
— Je n'y arrive pas. Dire que cela devait être le plus bel été de ma vie...
— Jeff est un terrible connard. Oublie-le ! Me somme-t-elle.Je vis surtout un terrible cauchemar.
J'ai mal.
Je souffre.
Je me meurs.*
Il m'aura fallu un bon mois au soleil et quelques shot de Téquila, pour réaliser que je peux encore être heureuse. Pleurer n'est pas une solution, vouloir en finir avec sa vie non plus.
Je n'ai que vingt-cinq ans et il faut que j'aille de l'avant. Je vais tenter de rester digne dans cette épreuve.
En tout cas, plus digne que je ne l'ai été ces trente derniers jours.
Et puis si ça se trouve, en me voyant heureuse, Jeff regrettera d'être passé à côté du bonheur que je lui offrais, et il reviendra en rampant à mes pieds.
Oui, Bon, je sais ! Ce n'est pas la meilleure façon d'agir si je veux l'oublier, mais j'admets y penser.
Après une énième journée en mer, je suis achevée. Nos multiples tours de jet-ski ont eu raison de moi. Mes muscles restent endoloris malgré le massage dont j'ai bénéficié au spa de l'hôtel. Je pense que ce soir, ce sera Netflix et plateau repas. Un peu de repos ne me fera pas de mal.
Jayde m'appelle. Sa cousine Margot propose que nous nous fassions un resto. J'avais prévu de rester sous ma couette, mais devant l'insistance de mon amie, j'accepte finalement de me préparer.Je la retrouve quelques minutes plus tard dans le hall de l'hôtel.
— Alors, où va-t-on ?
— Resto italien, en plein centre ville. Margot est dejà sur place. On prend le scooter ?
— Oui, par contre c'est moi qui conduit. Hors de question que je monte derrière toi !
— Victoria ! Fait-elle faussement contrariée.Jayde esquisse un sourire et me balance les clés. Nous voilà parties pour une belle soirée.
*
Le trajet dure moins de dix minutes, j'enlève mon casque et replace mes boucles blondes, en secouant grâcieusement ma tête. Jayde a un mouvement de recul.
— Quest-ce qu'il se passe ?
— Bon sang de bonsoir... bégaie-t-elle. Ah ben ça par exemple !
— Mais qu'est-ce qu'il y a ?
— Il y a que la réponse à tes questions et là... Tu ne vas pas aimer ce que je vois, dit Jayde en m'aggripant le bras.C'est lorsque je me retourne que je comprends ce qu'elle tente de me dire. Jeff est là, et il n'est pas seul. Il tient la main d'une jeune femme rousse dont l'état de grossesse ne fait aucun doute. La réponse à mes « pourquoi » est juste là, devant moi.
Mon coeur râte mille battements et mon esprit flanche en même temps. Je ne parviens plus à détourner mon regard de ce ventre rebondi.
Je suis incapable de parler. Mes yeux s'emplissent de larmes en même temps que le ciel se charge d'orage.
— Viens ! me supplie Jayde. On s'en va !
— Non !L'émotion est trop forte. Terrassée par le chagrin, j'enfourche le scooter et démarre en trombe, laissant Jayde sur le carreau.
Le tonnerre gronde et le ciel libère des litres d'eau. Je roule à une vitesse inconsidérée pour fuir la réalité. L'abondance de la pluie brouille ma vue et, je ne vois que trop tard la camionette qui arrive à ma gauche.
C'est le CHOC !
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LE TEMPS D'UN ORAGE D'ÉTÉ
ChickLitIl suffira d'un orage d'été pour que la vie de Victoria bascule à jamais... ©Tous droits réservés, Juillet 2019.