Je m'étais toujours imaginée que je me rebellerais contre cette idée de mariage arrangé depuis ma naissance.
Quand je voyais ma grande sœur, si parfaite, si jolie et si heureuse d'avoir trouvé un partenaire aussi idéal, je la détestais. Elle n'imaginait pas la chance que les qualités de son prétendant représentaient.
Moi, tout ce temps, je priais les Dieux de la Terre et de l'Eau que mon futur époux soit convenable, sinon désirable et gentil. J'espérais que mes prières seront entendues, je promettais aux Dieux que si tel était le cas, je suivrais la voie tracée pour moi depuis ma naissance : j'épouserais le Prince Aedan Gryffin, je lui ferais de beaux enfants dont je m'occuperais tandis que j'accomplirais mes obligations à ses côtés.
Ce qui ne signifiait pas grand chose à mon sens.
Aedan n'était pas le prince héritier de son trône alors son rôle se cantonnait la plupart du temps à une présence diplomatique.
Depuis mes quatorze ans, des milliers de scénarios différents avaient germé dans mon esprit. Je les avais tous parcouru jusqu'au dernier. Enfin c'était ce que je pensais.
À l'aube de mes dix-huit ans, un banquet immense aurait lieu, des milliers de gens se pavaneraient enrobés de leurs tenues de bal les plus extravagantes.
Le Prince Aedan serait là, naturellement, car le but de ces festivités se résumaient en quelques mots : la rencontre entre celui-ci et moi-même.
Pour l'occasion, chaque invité présent se verrait paré d'un masque. Ainsi le Prince Aedan et moi nous rencontrerions au sein de cette foule masquée et ne découvrirons le visage de l'autre que lorsque la grande horloge aura sonné les douze coups de minuit.
Mon imagination débordante avait d'abord parié sur la chute de la grosse pièce montée puis sur le sourire édenté d'un Prince Aedan haut d'un mètre dix qui était doté d'un strabisme aiguë et d'une haleine faisandée.
À vrai dire, je n'attendais que cela, qu'il soit si repoussant que j'éprouverais suffisamment de courage pour m'opposer à ce complot. Cela me donnerait une raison et ma décision serait appuyée par la peur du déshonneur que serait d'enfanter de futurs princes et princesses difformes.
Cela dit, aucun scénario du monde ne m'aurait préparé à cette soirée dansante.
******
Alors que je me tenais au sommet de l'escalier de marbre, un éclat d'orchestre avait annoncé mon arrivée.
Tous les invités avaient tourné la tête dans ma direction d'un même mouvement. Mon grand masque aux plumes rouges et blanches ne m'avait jamais paru aussi bienvenu.
Je me demandais s'ils me voyaient rougir à travers l'étoffe quand mes yeux rencontrèrent la silhouette du jeune homme qui m'attendait en bas des marches.
Il s'agissait du Prince Aedan, aucun doute là dessus. Des mois avant le bal, en gage de reconnaissance, la future épousée faisait envoyer une breloque confectionnée des mêmes constituants que sa tenue. L'homme la portait comme décoration à la poche de son smoking, contre son cœur.
Aujourd'hui, je regardais celle du Prince Aedan qui débordait de plumes se mélangeant au tulle rouge foncé. La confection avait beau être magnifique, elle m'évoquait plutôt des entrailles dégoulinantes de sang.
Descendant les escaliers avec lenteur, je priais les Dieux de la Terre et de l'Eau pour ne pas trébucher ni m'étaler de tout mon long contre les rampes en acajou. Ma robe semblait peser une tonne, les voiles et les dentelles frôlaient le marbre tandis que je dévalais les marches un pas après l'autre, retenant ma respiration.
Mon souffle reprit normalement seulement une fois que ma main gantée d'un exquis gant de soie fut délicatement posé contre la main du Prince Aedan.
Il me lança un sourire désarmant de ses dents blanches parfaitement droites. Son masque cachait le milieu de son visage, aussi je remarquais qu'il était dépourvu de mono-sourcil. Cela n'allait pas arranger mes petites affaires.
La musique avait alors envahit la grande salle et les invités s'étaient docilement écartés sur notre sillage. Mon partenaire dansant à la perfection les danses traditionnelles, la tête me tournait un peu après avoir tant virevolté.
Les cours de danse n'étaient guère mes favoris mais je remerciais ma préceptrice de m'avoir forcé à les suivre, faute de quoi j'aurais été totalement perdue.
La danse terminée, Aedan s'approcha d'un serveur soutenant un plateau en verre qui semblait atrocement lourd. Il attrapa un verre en cristal et j'acceptais la coupe de champagne qu'il me tendit avec un plaisir non feint.
- Oh, merci.
- Rien de plus normal.
Sa voix suave et délicieusement masculine s'ajouta à la liste de ce que je n'avais pas prévu. Je caressais le pied de mon verre, sans savoir quoi dire.
- Euh, je m'appelle Eleanor Asling. Mais vous devez le savoir.
- En effet. Et je suis Aedan, prince de Tamusie. Mais je parie que vous le saviez aussi, n'est-ce pas ?
Je hochais la tête.
- Voulez-vous bien vous promener quelques instants dans les jardins en ma compagnie ? Il serait navrant de ne pas profiter de la douceur du crépuscule.
- Avec plaisir, Prince Aedan.
- Ma chère, vous pouvez vous dispenser de mon titre.
Il m'entraîna hors de la salle bondée jusque dans le jardin arrière où coulait une eau clair et limpide au milieu de roseaux et de joncs. Des iris fleurissaient ça et là dans le décor aquatique.
Une fine brume s'élevait de l'eau qui ruisselait en serpentant. Je savourais le gazouillis de l'eau quand Aedan lâcha ma main et se la passa dans sa chevelure châtaine.
- Raah, j'en ai ma claque de ces satanés bals et de leurs convenances à la con.
Ce prince charmant est-il si charmant que cela ? Découvrez-le dans le second chapitre !
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Si je prie les Dieux de la Terre et de l'Eau
RomanceEleanor, princesse du royaume d'Asling, doit participer à un grand bal masqué. Tout aurait été si simple si ce bal n'était pas conçu pour la présenter à son futur époux, Aedan Gryffin, prince de Tamusie. Elle profitera de cette soirée pour tenter d'...