« Un père n'est pas celui qui donne la vie, ce serait trop facile, un père c'est celui qui donne l'amour."»
Denis Lord
La semaine suivante.
Je voyais mon état se dégrader un peu plus chaque jour. Éline me tirait vers le bas, inexorablement, petit à petit. J'essayais de compenser mon mal être avec les moyens que j'avais à ma disposition : des anxiolytiques, du tabac et bien sûr de plus en plus d'alcool. J'avais parfois des sursauts de motivation ou de bien être mais ces derniers disparaissaient rapidement ce qui augmentait un peu plus mon désespoir. Je savais que ma consommation excessive d'alcool interférait avec mon traitement de fond, mais c'était plus fort que moi. Je misais néanmoins beaucoup sur cette journée. J'avais en effet mon second rendez-vous chez la psychologue. J'avais l'espoir de commencer une thérapie qui pouvait enfin me tirer vers le haut.
Un peu plus tard dans la matinée, j'étais installé sur le fauteuil prêt à commencer ma séance. Elle avait repris ses notes de notre dernier rendez-vous. Je vis qu'elle avait annotée plusieurs commentaires en marge de ces dernières.
« Alors Monsieur Blondar, comment vous sentez-vous aujourd'hui ?
— Honnêtement, je me sens à plat. J'ai l'impression que mon état empire et que le temps ne joue pas en ma faveur, bien au contraire.
— C'est pour améliorer cela que nous nous voyons régulièrement. J'ai analysé nos échanges de notre dernière rencontre. Je pense qu'il faut prioritairement se concentrer sur vos deuils. Vos remarques me font penser que c'est un travail que vous n'avez pas encore fait.
— Un travail ?
— Oui, le deuil est un travail Monsieur Blondar. Même si l'on n'oublie jamais les êtres qui sont partis, il faut apprendre à vivre sans eux. Aujourd'hui, j'aimerais que nous commencions par votre père si vous vous en sentez capable. L'objectif final sera de vous remémorer les bons souvenirs avec lui plutôt que ceux liés à sa perte lorsque vous penserez à lui. Nous entreprendrons le même travail avec votre mère par la suite. Qu'en dites-vous ? »
Ça va me flinguer encore plus le moral. C'est pas comme si je n'y pensais pas tous les jours et toutes les nuits. Qu'est-ce que je fou là ? Bon, foutu pour foutu, on va jouer le jeu.
« Je suis d'accord mais cela va être difficile pour moi. Comment voulez-vous qu'on procède ?
— J'aimerais que vous commenciez par évacuer ce que vous avez au fond de vous. Parlez-moi de lui, de votre relation et de vos ressentis suite à son départ. Quels sont les éléments qui vous ont le plus marqués ?
— Il y'a beaucoup de choses à dire, je pense que vous allez devoir supporter un nouveau monologue.
— C'est l'objectif Monsieur Blondar. Essayez de mettre des mots sur vos ressentis. Cela soulage de les exprimer. »
Beaucoup de souvenirs me vinrent en tête. Je sentais déjà une boule d'angoisse en moi car je savais que l'exercice allait être douloureux. À la différence de nos proches, il était cependant plus facile de parler à un docteur car il y'avait beaucoup moins de pudeur. J'ai essayé de mettre de l'ordre dans mes idées pour avoir un discours cohérent.
Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui raconter ? C'est super personnel. Lâche ce qui te vient en tête on verra bien si elle arrive à en faire quelque chose.
« Pour commencer, je vais essayer de vous décrire un peu le personnage. Alors, si je devais définir mon père, je pense que je dirais qu'il était comme n'importe quel homme de son époque : orgueilleux, borné et qu'il fonctionnait avec un modèle patriarcale. Il avait connu les trente glorieuses, il considérait donc le travail et le statut comme des éléments de réussite sociale. Il était en conséquence très exigeant avec mon frère et moi. Il se montrait souvent très rustre et difficile à satisfaire, c'était sa manière de procéder pour nous apprendre la valeur du travail. Il agissait d'abord puis réfléchissez après. Ainsi, nous nous prenions souvent des réprimandes ou des raclées en le voyant revenir tout mielleux quelques temps après car il s'en voulait. Ça nous montrait qu'il avait au final un bon fond qu'il essayait de cacher. Pour lui, les hommes ne devaient pas montrer leurs faiblesses. (ces souvenirs ouvraient d'anciennes plaies et les larmes me montaient déjà aux yeux)
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Mes trois meilleures amies
Misterio / Suspenso"Mes trois meilleures amies" est un livre qui vous emmène au plus profond de la pire des prisons : notre tête. Jérémy est un papa et un mari comblé. Pourtant il traîne avec lui un lourd passé. Un concours de circonstances va le faire sombrer peu à...