Chapitre 13 : Tout est politique.

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Lexa :

  J'étais allongée sur les draps de couleur ocre qui recouvraient le lit de la chambre d'invité de marque qui m'avait été prêtée. Le dos droit, la tête reposant sur l'oreiller, la jambe droite étendue et la gauche légèrement pliée montant mon genou vers le ciel, je réfléchissais. Mes coudes posés à côté de mes flancs soutenaient mes avant-bras dressés vers le plafond. Mon poignard occupait mes doigts qui le faisaient tourner sur lui-même dans un mouvement lent et hypnotique. Mes yeux étaient fixés sur cette lame grise qui, en fonction de sa position dans le mouvement circulaire, reflétait la flamme du flambeau situé à côté de la chambranle de la porte, unique source de lumière de la pièce. J'étais plongée dans un calme bienvenu et propice à la réflexion qui s'opposait au tumulte oppressant qui rongeait mon esprit. J'essayais de me convaincre que tout était en ordre, que rien ne pouvait m'atteindre. La pointe du poignard tournait lentement au contact de la pulpe de mon index. Si délicate.

  Bon sang ! Elle était vivante, que demandais-je de plus ? Mais en étais-je certaine ? Oui, il le fallait. Pour moi d'une certaine manière. Mais pour lui surtout. Quelles seraient ces demandes ? Pour combien de temps ? Ne préférais-je pas qu'elle soit morte ? Comment pouvais-je penser ça ? Tout me paraissait si proche et si lointain. Tout me paraissait rétablissable et pourtant vain. Je croyais en la vie après la mort, alors je préférais que l'on se retrouve là-bas, n'importe où tant que nous serons ensemble. Je m'étais battue pour l'éloigner de la politique et de ses conséquences désastreuses, j'avais essayé de lui résister pendant longtemps, en vain.

Depuis deux jours, je n'avais pas dormi préférant me préparer à toutes les éventualités, à tous les coups bas possibles, à tous les volte-faces imaginables. C'était surtout parce que dès que je fermais les paupières, les images de cette horrible soirée me revenaient et me torturaient. J'étais dans le noir, et pourtant je n'avais pas envie de dormir. Hier, j'avais fait l'effort de venir manger en silence, provoquant mon futur mari et lui prouvant que je n'étais absolument pas touchée par la perte de mon esclave personnelle. Parce c'était ce qu'elle était n'est-ce pas ? Elle n'était rien de plus et il ne fallait pas qu'elle le soit.

Je sentais la salive dans ma bouche prendre un goût de bile et une envie de vomir me prit soudainement. Non ! Je devais être forte. Pour elle. Pour eux. Mon peuple. Parce que c'était de ça dont il s'agissait à présent, pas seulement d'une personne ou de mes désirs mais de milliers de personnes qui comptaient sur moi sans même le savoir. Toute ma vie je m'étais construite en pensant que je serais leur sauveuse, du moins la personne qui essayerait d'améliorer les choses mais que pouvais-je faire lorsque le monde était contre moi ? Je n'étais pas faible, je ne l'avais jamais été, ce n'était pas maintenant que ça allait commencé.

Un sifflement, puis un claquement. Mon poignard venait de voler à travers la pièce allant se planter dans le mur de bois à l'opposé du lit. La lame s'était enfoncée de quelques centimètres dans la surface et le manche en bois verni et gravé oscillait légèrement à cause de la force de l'impact. J'entendis un léger cri et un bruit sourd d'une armure contre un mur de l'autre côté de la porte. Sûrement le garde chargé de ma sécurité qui avait entendu le poignard et avait sursauté. Cela me fit doucement rire. Quelle mauviette !

J'étais repartie dans mes pensées élaborant des plans plus farfelus et difficilement réalisables les uns que les autres quand un remue ménage devant la porte close de ma chambre attira mon attention. Soudain, le bruit très reconnaissable d'une enveloppe glissée sous une porte me fit relever la tête et mon attention se dirigea vers celle-ci. Avec une lenteur révélant mon manque de sommeil et traduisant mon désintérêt, je me levais pour ramasser le papier échoué à quelques centimètres de l'entrée de la chambre. Je l'ouvris avec délicatesse sachant pertinemment que je ne faisais pas assez confiance à mes mains tremblantes de rage pour décoller le papier plus rapidement sans me blesser. Ma mâchoire serrée depuis trop longtemps commençait à me faire mal. Je pris le flambeau désormais situé à côté de moi pour l'amener sur le trépied prévu à cet effet accroché à la tête du lit. Je m'installais à demi sur le lit, pas totalement prête, je le savais, à découvrir le contenu de la lettre qui pouvait me détruire à jamais. L'écriture était nette, arrondie et presque dessinée. Je repérais immédiatement les quelques ratures et lettres penchées qui traduisaient l'angoisse et le stress du scribe, quel qu'il soit. L'encre noire brillait grâce aux flammes qui éclairaient la pièce. Je ne voulais pas lire ce message, sûre qu'il signerait la fin d'une époque.

You're my evidence of love's existence (FanFiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant