Épisode 1 : Contes et légendes

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Kane s'avança dans ce qui fut un jour l'accueil de ce casino.

Le sol était recouvert de roches, de planches et de meubles renversés : on discernait parfois la couleur rouge de la moquette, parfois déchirée, elle dévoilait un parquet pourri. La pièce n'était pas complètement dans le noir car les volets en bois étaient souvent troués ou inexistants : des puits de lumière éclairaient à quelques endroits ce carnage plongé dans un épais nuage de poussière. Il tourna un bouton sur le haut de sa petite lampe, le petit "clic" fit élargir son faisceau lumineux.
Il fit un lent tour sur lui même puis, au fond de la pièce, il aperçut un magnifique escalier recouvert d'un tapis rouge, dont la largeur diminuait au fil des marches. Il pressa le pas et traversa l'ancienne salle de jeu principale, en enjambant les nombreux débris.

Il passait à côté des tables de jeux, certaines étaient impeccables, on a dû récemment les utiliser pour passer le temps et oublier ce triste monde. Des machines à sous clignotaient de temps à autre. Il détourna la tête et passa devant un bar : les étagères étaient vides et les verres cassés mais une bouteille d'alcool était ouverte, ces choses là étaient rares et Kane sentit son cœur se serrer. Et si il n'était pas seul ? Rencontrer quelqu'un dans un tel endroit finissait toujours mal.
Il décrocha une arme a feux plutôt imposante accrochée à sa ceinture et la chargea. Il fixa aussi sa lampe sur le haut de son arme : maintenant, il avançait en la tenant fermement, pointée face à lui.

Il monta les escaliers en ayant un seul but : trouver ce foutu livre et déguerpir aussi vite que possible. Chaque pas faisait grincer le parquet, comment pouvait-on encore construire des immeubles aussi rustres alors que cela faisait bien longtemps que d'autres matériaux avaient été explorés ? 

Au travers des pas de Kane, on pouvait imaginer, ressentir, à quel point ces pièces étaient animées autrefois. La haute société, il y a 25 ans, dépensait énormément d'argent ici. Les femmes portaient des robes extravagantes et les hommes des costumes distingués et luxueux de toutes les couleurs. Dans les salles de jeux à l'étage, il y avait des billards, de simples salons où les plus riches discutaient et jouaient en petit comité, tout cela au milieu de rires. Il gardait cette méfiance jusqu'au dernier étage, après avoir pris des escaliers plus discrets.
Kane arriva au dernier étage : c'était là, où le personnel, humain ou robotique, vivait. L'arme pointée vers les portes, il éclairait les plaques dorées, où se trouvaient les noms des employés

Porter..
Claimman...
George...
Klavinski.

A la vue de ce dernier, il se mit à sourire.

Il ouvrit la porte. Bizarrement la chambre vétuste ne semblait pas en désordre. Les criminels ne s'intéressaient heureusement pas aux chambres des employés.
Il commença à fouiller un peu partout, la pièce était plongée dans le noir.
Il ouvrit un tiroir du bureau, il était vide mais il remarqua un double fond. Habitué a ce genre de choses, il releva une planche et aperçut ce fameux livre. Il le sortit complètement et le mit dans son sac à dos puis, sortit de la pièce.

Quand il eut descendu les escaliers avec discrétion, il passa devant le bar. La bouteille en verre remplie d'alcool avait disparue. Il sentit la panique monter en lui, il pointait maintenant son arme partout autour de lui. Puis, il entendu un grognement. Il était tout près. Quelque chose bougeait à seulement quelques mètres de lui, mais quoi?

Soudain, il vit une main s'agripper violemment au comptoir du bar. Paniqué, Kane fit quelques pas en arrière tout en pointant son arme vers le faiseur de troubles. Une autre main arriva brusquement sur le comptoir, elle tenait fermement cette bouteille.

Il baissa son arme, conscient que l'homme en face de lui ne représentait aucun danger. Un homme d'une cinquantaine d'années, portant une barbe de trois jours avec des cheveux mi-longs gris, s'appuyait de tout son poids sur le bar à l'aide de ses deux mains. Il portait un costume beaucoup trop chic pour lui, tâché à plusieurs endroits. Le visage rougi par l'alcool, il fixait Kane de ses yeux gris-bleus.

"Jean. Qu'est-ce que tu fous ici ?" demanda Kane presque lassé.
L'homme tentait de retrouver ses esprits, il n'avait visiblement pas désoûlé. Il fixait la bouteille qu'il avait dans la main droite, mais quelques secondes plus tard, Kane s'approcha de lui et la lui pris des mains.

"Hé ! Redonnes-là moi sale gosse ! beugla-t-il
- Tu ferais mieux de rentrer chez toi. Et qu'est-ce que tu faisais seul ici ? demanda-t-il en refermant la bouteille.
- Je suis venu ici pour.. pour.."

L'homme s'extirpa du bar en bégayant, et en continuant de s'appuyer contre le comptoir.

"Pour boire, voilà.." Il agitait le bras devant lui comme pour effectuer un geste théâtral. A la vue de ce spectacle, Kane ne pût s'empêcher de sourire.

"C'est ce que j'avais cru comprendre.
- J'avais envie de retourner dans cet endroit, il m'avait manqué." On pouvait presque entendre un léger sanglot dans sa voix. Il releva la tête vers les étagères vides.

"On ferait mieux de rentrer dans le centre. Cet endroit est sordide." conclut alors Kane en prenant le bras de l'homme. Il se laissa faire et le suivit en titubant. Cet homme avait perdu tout espoir, il était tombé avec le royaume.

Ils sortirent ensemble et revinrent dans la rue. Jean s'agrippait à Kane, aveuglé par les rayons du soleil. Il commença à tousser à cause de la poussière. Ensemble, ils regagnèrent le centre de la métropole : les rues étaient moins désertes car les gens se bousculaient pour ramasser ce qui avait un semblant de valeur avant de les revendre plus tard ou de les utiliser chez eux. Seuls les bars et quelques immeubles encore en état étaient habités, au milieu de ces rues où personne n'osait déplacer les décombres. C'était comme ça.

Kane amena Jean jusqu'au "Grand Hôtel", cette énorme tour encore intact est devenu l'épicentre de population de l'ancienne capital. Ce n'était pratiquement que des criminels appartenant au clan de Davis. Il y avait de rares civils comme Jean, qui n'avaient pas souhaité habiter le bidonville de l'autre côté de la rive, par nostalgie ou bien parce qu'ils se sentaient protégés par les malfrats. Ils s'entassaient donc au milieu de la pègre depuis des années.

Kane aperçut une vieille dame assise sur une chaise en plastique, devant la vitrine démolie d'un magasin. C'était une petite femme frêle mais dans son attitude, dans ses yeux bleus, on pouvait se douter que c'était autrefois une femme distinguée issue d'un milieu bourgeois. Elle toisait les gens autour, d'un regard froid et provocateur.
Elle portait de nombreux bijoux : sur les bras, plusieurs colliers, des bagues de toutes les couleurs. Ses cheveux courts gris étaient impeccables. Quand elle aperçut Kane avec Jean sur les bras, elle se leva en criant :

"Alors vieux soûlard où étais-tu passé?!" Tout le monde dévisageait l'homme qui se contentait de regarder ses pieds. Arrivés auprès de la vieille femme Kane le lâcha :
- Il était au casino.
- Mais qu'est-ce que j'ai mérité pour avoir un fils pareil, j'aurai préféré te voir croupir sous les débris, tu ne ressembles plus à rien !! s'indigna-t-elle en secouant une manche de son costume.
- Mère s'il te plaît laisse moi...
- Rentres!" ordonna-t-elle en montrant la porte principale de l'Hotel. Il s'exécuta et disparut.

"Tu n'étais pas obligé de le ramener, tu es bien trop nigaud! dit elle en se rasseyant sur sa chaise en plastique.
- Je sais, je me fais avoir à chaque fois. J'ai ramené ça, je sais pas trop quoi en faire."

Il lui tendit la bouteille à moitié vide. Agacée, elle le luit pris et la lança violemment sur la route en crachant que les personnes respectables ne touchent pas à ça. La bouteille éclata en mille morceaux sur la chaussée, laissant le contenu orange couler sur le goudron. Kane soupira, le franc parlé et les actes excessifs de la femme étaient connus de tous : personne n'intervenait. 

Mais une voix d'homme à quelques mètres, dans le fond d'un bar se fit entendre :

"Bah alors la vieille, on gaspille le peu d'alcool qu'il nous reste ?"

Cette voix bien connue fit trembler les gens autour. Certains en profitaient même pour se retirer. La femme ne bronchait pas, elle continuait à fixer en face d'elle. Kane, déglutit et se retourna.





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⏰ Dernière mise à jour : Jun 13, 2020 ⏰

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