Rien n'arrive par hasard

Chapitre 4

4)

En cette nuit, il pleuvait des cordes. Étienne arriva chez lui, trempé jusqu'aux os, de la tête aux pieds. Il ne fut pas étonné de trouver Chloé devant son ordinateur.

- Ça va ma chérie ? Lui demanda-t-il en l'embrassant.

- Fais attention un peu. Répondit-elle simplement.

Les cheveux détrempés du jeune homme gouttèrent sur la feuille de la jeune femme. En reculant, son coude tapa par inadvertance dans la tasse à café de sa compagne. Le contenu se déversa sur les papiers de la jeune femme. L'encre se mit à baver, les mots devinrent illisibles. La feuille qu'elle avait mis grand soin à garder propre, net, devint un brouillon en l'espace de quelques secondes. Une grosse tache noire avait fait son apparition en plein milieu de sa feuille. Tout le travail effectué réduit à néant, les heures passées dessus envolées. Il ne lui restait plus qu'à recommencer.

- Étienne merde sérieusement !

Sa voix avait changé du tout au tout. Jamais elle ne lui avait parlé sur ce ton-là. Étienne ignorait qu'elle en était capable. Chloé chiffonna la feuille de papier, en fit une boulette et d'un geste souple du poignet la jeta directement dans la corbeille. D'un regard accusateur, elle fixa son conjoint.

- Quel accueil. Grommela-t-il.

Étienne ne se fit pas prier pour aller se changer. Une scène de ménage n'était pas le programme qu'il espérait pour la soirée. Il avait d'autres projets en tête qui n'incluaient pas de dispute. Frustré, il se dirigea vers la salle de bain. Il ôta ses vêtements, prit sa serviette de toilette et se sécha les cheveux. Ses cheveux noirs, essorés, hérissés sur la tête, il mit sa serviette autour de son cou. Le jeune homme se contempla dans le miroir. Les yeux rivés sur son tatouage. Des dés entremêlés d'une chaîne sur le torse au côté gauche, non loin du cœur. Les contours légèrement enflés laissaient présager le caractère nouveau du tatouage. Il n'avait pas encore eu le temps de cicatriser. De petites peaux noires s'en échappaient. Le surplus d'encre s'en allait. Le dégradé de noir et de blanc lui donnait un effet de mouvement. Étienne posa délicatement sa main gauche dessus. Ses yeux se fermèrent. Il respira profondément. La main toujours sur le cœur, ses doigts se crispèrent, jusqu'à ce que son poing se ferme totalement. Étienne semblait ailleurs, son corps était ici, mais son esprit s'en était allé. Il était perdu dans ses pensées.

- Je suis désolée.

Contre toute attente, Chloé vint s'excuser. Ce n'était pas dans ses habitudes, mais elle avouait s'être légèrement emportée contre Étienne. Ses mots résonnèrent dans la tête d'Étienne, mais il lui fallut quelques secondes pour réagir.

- Ce n'est rien.

A vive allure, il enfila son tee-shirt. D'un corps plutôt musclé, Étienne n'avait aucune raison d'être pudique, au contraire, il pouvait être fier d'afficher une musculature telle que la sienne. Ses abdominaux et ses pectoraux se dessinaient à la perfection. Il prenait soin de lui et de son corps et cela se voyait. Pourtant, ce soir-là, il se cachait. Il dissimulait quelque chose à sa compagne. Chloé s'approcha de lui et souleva son tee-shirt.

- Tu es tatoué maintenant ?

La voix de Chloé traduisait sa surprise. Étienne rabaissa le tee-shirt sèchement. Il sortit de la salle de bain.

- Vesuvio ?

- Pardon ?

- La pizza. Vesuvio, ça te va ?

La carte des pizzas en main, il composa le numéro.

- Peu m'importe.

Étienne sentit le pesant regard de sa compagne sur lui. L'appel terminé, il la prit dans ses bras.