Queen of Cards (Version française)

Jour 5 : Un joueur éliminé, même sauvé, ne peut plus prendre part aux tours

La petite sonnerie résonna dans mes oreilles, tandis que mes paupières se soulevaient doucement. La veille, la Reine avait abattu sa première carte. Et l'un des joueurs en avait pâti. Je prenais à présent conscience de l'ampleur de la situation dans laquelle nous nous trouvions depuis maintenant cinq jours. Nous avions à peine eu trois journées sereines pour nous familiariser avec le fonctionnement du jeu. A présent, son rythme promettait d'être bien plus soutenu, la Reine s'étant enfin décidée à sortir de l'ombre.

Comme chaque matin, j'attrapai la tablette posée sur ma table de chevet et pris connaissance de la nouvelle règle. Mon cœur manqua un battement. Comment ça, « sauvé » ? L'un des rôles possédait-il une capacité spéciale qui permettait d'allonger la durée de vie des joueurs ? C'est alors qu'un doute fulgurant s'empara de moi. Je voulus en avoir le cœur net. Je m'habillai rapidement des premiers habits qui me tombèrent sous la main, et sortis en trombe de ma chambre.

Je ne fus pas le seul. A l'exception de Tobias et d'Olivia, tous les autres joueurs se tenaient sur le pas de leurs portes, se lançant des regards emplis d'espoir. Nous nous rejoignîmes et traversâmes le couloir en hâte, nous empressant de rejoindre la salle à manger. Là-bas, sous nos yeux ébahis, Olivia prenait sereinement son petit-déjeuner, en compagnie d'une personne que jamais je n'aurais cru revoir.

-Enfin réveillés ?

Nous nous tînmes à l'entrée de la pièce, bouche bée, ne sachant comment réagir à cette apparition presque fantomatique. Derrière moi, Rachel poussa un bref cri suraigu, qui manqua de me briser les tympans.

-Hiii, un revenant !

Tobias nous dévisagea, exaspéré.

-N'exagère pas, quand même...

Nous avançâmes à petits pas dans la salle à manger, tout en restant groupés, les yeux rivés sur Tobias. Nous nous installâmes prudemment devant nos smoothie-bowls bleu à la banane et à la noix de coco, garnis de myrtilles et de mûres. Personne n'osait dire quoi que ce soit, comme si une seule de nos paroles risquait de faire disparaître notre ami à tout jamais. Assis près de Tobias, Alan se risqua à toucher l'épaule de son ami du bout des doigts, avant de retirer précipitamment sa main. Le jeune boxeur perdit patience.

-C'est bon, je ne suis pas un fantôme ! Vous pouvez arrêter de me fixer comme ça, maintenant ?

Nos regards honteux se portèrent immédiatement sur notre petit-déjeuner. Je mangeai distraitement le contenu de mon bol, mon esprit analysant rapidement la situation. Tobias avait visiblement été sauvé par l'un d'entre nous. Mais pour combien de temps ? Et surtout, combien de personnes pouvaient encore être sauvées ainsi ? Je me doutais bien que cette capacité spéciale allait être grandement limitée, aussi vaudrait-il mieux pour son possesseur de ne l'utiliser qu'en cas de stricte nécessité. J'avais néanmoins un jour de plus à ma disposition afin d'interroger Tobias, ce qui n'était clairement pas de refus au vu de mon échec de la veille. De plus, d'après la règle, même s'il ne pouvait plus jouer le soir, il avait quand même la possibilité de prendre part aux évènements en journée, et donc de récolter des indices afin d'aider les autres joueurs. En d'autres termes, il était tel un esprit bienveillant, immunisé temporairement. Un ange gardien, je dirais même. Toutefois, je ne pus m'empêcher de penser au comportement énigmatique qu'il avait eu la nuit dernière. Cela me poussait à croire qu'il avait été parfaitement conscient de s'en sortir. Le joueur qui l'avait aidé devait donc probablement être proche de lui...

Notre petit-déjeuner touchait à sa fin, quand Tobias se leva.

-Bon, tout le monde dans le salon. J'ai des choses à vous dire, et je suis sûr que vous mourrez d'envie d'avoir des explications.