J'étais au Buckstar, mon café préféré, comme à mon habitude tous les samedis. C'est un endroit calme, serein, joyeux, plein de rencontres en tous genres. Pourtant je restais encore seule aujourd'hui. Moi, Ambre, étudiante en troisième année de droit, je passe mon temps entre étudier à la BU ou dans ma petite chambre étudiante et à entretenir mes relations sociales. Pourtant, mon quotidien reste triste, stressant, oppressant même, le temps me semblant compté. La pression mise aux étudiants quant à la réussite de leurs études est telle que certains seraient prêts à se saigner pour avoir quelques maigres points en plus dans leurs moyennes dans l'espoir d'obtenir le master de leurs rêves. On me dit de m'habituer à cette vie, que je suis une adulte, que je dois agir comme telle et devenir responsable. Pourtant, je tente pendant de brefs instants de décrocher de ces études, voulant m'extraire de cet engrenage infernal pour m'accorder des moments de répit et ne plus grandir aussi vite que les autres le souhaiterait. Ce genre de moments sont ceux que je m'octroie au Buckstar. J'en profite pour lire, mon péché mignon. Je passe de Maupassant à Romain Gary, je m'évade dans les histoires de Lafayette avant de me plonger à bras ouverts dans les pièces de Molière. Certes, ces auteurs sont loin de ceux que les gens de mon âge liraient, pourtant ce sont ceux-là qui me font le plus voyager tellement ils sont remplis de sentiments. Aujourd'hui, j'ai décidé de lire un auteur contemporain que je ne connaissais pas : de son pseudonyme Mysterio, son livre s'intitule « L'alchimie littéraire ». Sans savoir trop pourquoi, le titre m'a attiré, titillant ma curiosité de savoir ce que pouvait bien être l'alchimie littéraire. La quatrième de couverture disait « L'alchimie étant désignée de façon littéraire comme étant la transformation d'une réalité banale en une fiction poétique, je vous propose aujourd'hui de rentrer en ma compagnie dans ce livre pour vous permettre de vous offrir une expérience unique en son genre ». Plutôt tentant quand on regarde ma réalité morne. Cappuccino dans une main, le livre dans l'autre, mes écouteurs avec ma playlist préférée en fond, je me lance dans la lecture. Et je n'en suis pas déçue. Dès les premières lignes, je me sens comme apée dans un autre monde que celui où je vis, un monde plus lumineux, plus décontracté, semblant me laisser plus de liberté que dans cette réalité qui était jusqu'alors le seul monde que je connaissais. Les mots de ce livre se transforment en sensation, me plongeant dans cet univers inconnu. J'ai l'impression d'observer de loin les scènes qui se présentent à moi. Dans ce livre pourtant, l'histoire est classique : une jeune femme qui a une vie semblant aussi triste que la mienne, ne trouvant d'échappatoire qu'en se plongeant dans les livres et dans la musique le temps d'une heure chaque semaine, se trouve un beau jour face à cet homme qui changea son destin en lui conseillant un livre qui lui fit reprendre le goût de la vie. Dans ces moments-là, je me demande s'il serait possible que cela m'arrive un jour à moi aussi, que je puisse trouver ce genre de personne dans ma vie. Les sensations que me procure ce livre sont intenses, comme s'il semblait m'appeler, me laissant un écho au fond de moi. Je ressens toute la joie de cette femme, la colère qu'elle exprime contre sa réalité qui semble pesante, sa tristesse face aux critiques de son entourage qui ne la soutient pas dans ses choix de vie. Les sentiments qui s'en dégagent semblent si réels, je suis certaine qu'en tendant le bras je pourrais les atteindre. Il me semble même entendre une voix qui me susurre des mots réconfortants à l'oreille. J'entends « ne t'en fait pas, tout ira bien » mais encore « tu n'as plus rien à craindre maintenant ». Je cherche le porteur de cette voix autour de moi. Je prends alors conscience que je ne suis plus dans le Buckstar mais dans un espace lumineux semblant infini. Pourtant, je ne trouve guère cette voix et cette dernière continue de me dire à l'oreille des mots tendres. Lorsque la voix a fini avec les compliments, je l'entends me dire « c'est ton monde maintenant, fais-en ce qu'il t'en plaît ». J'ai envie de crier, de lui demander de se montrer, de donner un sens rationnel à cet enchainement beaucoup trop onirique pour moi. Pourtant, les mots se coincent dans ma gorge. Cette voix, aux accords androgynes, semble à la fois proche et lointaine. Pourtant, elle ne me semble ni oppressante, ni stressante. Au contraire, je me sens enfin pour la première fois de ma vie apaisée. J'avance sereinement mais toujours avec prudence, distinguant au loin une forme irrégulière. En me rapprochant de cette forme je sens une sorte d'onde emplie de chaleur se propager en moi, semblant libératrice. Cette forme est un corps, se tenant debout, les yeux fermés, semblant en paix et ne faisant qu'un avec ce qui l'entoure. Je m'approche encore plus de cette personne pour la toucher. Aucun trait caractéristique ne me permet de déterminer si c'est une femme ou un homme. Au moment où je le touche, cette personne ouvre les yeux, d'un bleu à couper le souffle, semblant avoir la profondeur d'un océan sans fin.
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Une alchimie littéraire
Short StoryAmbre a une vie banale d'étudiante en droit qui oscille entre études et relation sociale. Son péché mignon : lire. Cela lui permet de s'évader de sa vie d'étudiante triste et de ressentir d'autres sensations. Oscillant entre différents auteurs habit...