Soirée au supermarché

Des bonbons ...

Il était aux alentours de 23h50 lorsque je garais la voiture sur ce parking. En coupant le contact, je me rendis compte qu'il était presque désert. Seules deux voitures abandonnées me tenaient compagnie dans la pénombre environnante. « On y va ? » me dit Billy, mon petit frère. Il frémissait de joie à l'idée d'aller dans ce centre commercial pour y acheter quelques bonbons en ce soir d'halloween. En effet, à 10 ans seulement, nos parents lui avaient refusé d'arpenter les rues en quête de confiseries et ma cheville foulée m'empêchait de l'accompagner. C'est alors que je lui ai proposé d'aller en achetant avec lui. « Bah alors, tu viens ? » s'impatienta-t-il. « Oui, oui, excuse-moi, je devais couper le contact » lui répondis-je. « Alors on y va, acheter ces bonbons ? », « Ouiii, des bonbons, des bonbons, des bonbons. » scandait mon petit frère. « Ahaha, allez dépêche-toi ou papa et maman vont s'impatienter ». « Des bonbons, des bonbons » continuait de chantonner Billy. Nous entrons finalement dans le magasin et commençons à nous diriger vers le rayon confiserie. Billy me tirait avec tant d'énergie que je failli perdre l'équilibre plus d'une fois. Soudain, un murmure étrange me parvint aux oreilles : « Ahhhon lihhh ». « Uhm, tu as entendu ? » demandais-je à Billy. « Entendre quoi ? » me demanda-t-il. « Non rien, continuons ». Puis le murmure reparut mais plus insistant cette fois-ci : « Ahhhenhh Bihhh », « Et là, tu as entendu quand même ? » demandais-je à mon petit frère apeuré. « Tu-es sûr que ça va ? » me répondit-il. « Oui, ça ira, mais ne traînons pas ». « Oui ! Des bonbons, des bonbons » reprit de plus belle mon petit frère. J'aperçus enfin le rayon confiserie et commença à m'y diriger d'un pas nerveux, Billy sur mes talons. J'étais tellement troublé par ce qu'il venait de se passer que je mis du temps à remarquer un léger son étrange. « Flic, floc, flic, floc », je réalisai par la même occasion que ces sons accompagnaient chacun de mes pas. Je baissai le regard pour constater ce qu'il se tramait et je pris brutalement conscience que je marchais dans une flaque rougeâtre qui grandissait au fur et à mesure que je me rapprochais du rayon confiserie. « Cette eau... » Me dis-je, « ça ne peut pas... Oh mon Dieu ! Mais c'est du sang ! » Pris-je brutalement conscience. Au même instant, les murmures reprirent de plus belle : « Ahhh soooon hiii ». Plusieurs voix résonnaient dans ma tête en même temps décuplant l'intensité de celle-ci. Je dû m'appuyer contre les allées de produits pour éviter de tomber. J'avais si mal au crâne. Tout commença à s'assombrir autour de moi. Je ne voyais plus Billy à côté de moi, « Mais où est-il partit ? » Pensais-je. Pensée balayée par un nouveau flot de murmure toujours plus insistants : « AhhHh SooOOon liiiih ». Au loin je crus entendre Billy appeler à l'aide : « Au secours ! » crus-je ouïr, ce qui provoqua un nouveau flot de panique. « Bii...lly... » Parvins-je à articuler. Soudain, un contact sur ma main me sortit de ma stupeur. « Tout va bien ? » me demanda Billy, un air apeuré sur le visage. En regardant autour de moi, e ne vit plus la mare rougeâtre au sol et je n'entendis plus les murmures. « J'ai cru entendre des murmures aussi, ça me fait un peu peur » me dit Billy de sa petite voix enfantine. « Euuh, on y va ! » dis-je troublé en tirant Billy vers la sortie. « Mais et les bonbons... » dit-il d'une voix triste. « Je t'en achèterai une autre fois » répondis-je fermement. « Non ! Je veux des bonbons maintenant ! ». Il me donna un coup de coude dans mes côtes et parvint à se dérober de mon emprise. « Reviens ici ! » criais-je alors qu'il s'éloignait en courant vers le rayon confiserie. Je m'élançais donc à sa poursuite en titubant à cause de l'état de ma cheville. A force de me rapprocher du rayon confiserie, les murmures reparurent faiblement. Puis la mare de sang également. De plus en plus profonde, de plus en plus sombre... Egalement les murmures se transforment peu à peu en voix audibles « Ahhonnhhhhiiilliiiihhh », « Ahhonnhhhhiiilliiiihhh ». Elles se firent de plus en plus rapides et de plus en plus fortes : « AHhhHoOONnnhiIIlLiIIhhHh », « AHhhHoOONnnhiIIlLiIIhhHh ». Au rythme de ma course effrénée, ma vision se réduit peu à peu et s'assombrit. J'arrivais enfin au bout du rayon confiserie, essouflé... Je vis au loin Billy, au milieu de la mare, immobile, face aux bonbons un sachet dans sa main droite. Je me précipitai à sa rencontre, bravant les murmures devenus cris et la mare m'arrivant jusqu'au bas des genoux. Tout était sombre et mon désir de partir à son paroxysme. Lorsque j'atteins enfin mon petit frère, les voix résonnant tellement fort dans ma tête que je ne pouvais plus les ignorer. C'est alors que je compris : « AHHHENNIOOON BIIHIII », « ATTENTION A BILLY ! ». Les voix n'étaient en réalité qu'une alerte pour me prévenir du danger que représente mon frère ! Mon frère... Je baissai les yeux pour l'observer et c'est alors que je le vit. Billy me regardait avec des yeux blancs jaunis, une bouche souriante démesurément parsemée d'innombrables dents pointues. C'est alors que, plongé dans cette vision d'horreur, je me rappelais que je n'avais jamais eu de frère...