IV - Allô maman bobo

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Dès que Willow put confortablement retourner sur le campus, son premier réflexe fut d'aller directement à la bibliothèque. C'était le meilleur endroit pour obtenir de bon conseils et établir des plans, et elle allait avoir besoin des deux. Sylvestre Greymoss n'était pas de ceux que l'on attaquait tête baissée. Quand bien même la force brute aurait fait quelques dommages, Willow ne voulait pas de si peu. Elle voulait le voir ramper, au portes de la mort, comme elle-même l'avait fait. Ces sombres pensées en tête, elle se retrouva assise dans une alcôve reculée de la bibliothèque.

Ne jamais adresser la parole au bibliothécaire n'était pas une des règles non-officielles de l'institut. Pourtant personne ne parlait au vieil homme derrière le comptoir de la bibliothèque du campus. Il faut dire que son accent écossais ne facilitait pas la communication. En passant devant lui pour aller s'asseoir, Willow ne lui avait pas adressé un regard. Tout le monde s'appliquait à ne pas le regarder, ce qui était compliqué car il n'était pas particulièrement discret. Son long corps maigre s'emmêlait sur sa chaise. Il devait à ses cheveux ébouriffés un air plus adapté à un savant fou qu'à un bibliothécaire, quoi que personne ne sache si les nuages blanchâtre qui s'échappaient de derrière son bureau étaient de la poussière ou de la fumée.

Il n'était pas comme les autres employés du campus, qui l'évitaient tout autant que les élèves. Ce climat de solitude pesait parfois au vieil homme, mais il connaissait sa véritable valeur. Sur le campus, ceux qui n'étudiaient pas et qui n'étaient pas susceptibles de vous vouloir mort tenterait de vous garder en vie, par des conseils avisés ou en s'impliquant subtilement. Le vieux bibliothécaire n'était pas là pour aider ou garder en vie. Il était là pour comprendre.

Si un adolescent rebelle se donnait la peine de lui parler, il s'apercevrait vite que personne ne comprenait mieux que le vieux bibliothécaire fou sa colère et son besoin d'être entendu. Quel que soit votre état d'esprit, il entendait. Il comprenait. Il avait alors toujours exactement le bon livre, la bonne maxime, le bon conseil. En toute circonstance, le bibliothécaire savait exactement ce dont vous aviez besoin et pouvait vous le fournir. C'est pourquoi il avait si peu de visite. Dans la plupart des cas, ce dont vous avez besoin est très susceptible de vous faire tuer.

Par exemple, si Willow avait demandé comment se venger d'une fée à un professeur ou un agent d'entretiens, il ou elle se serait inquiété et lui aurait fortement conseillé d'abandonner. Pourtant si Willow avait mis de côté ses préjugés et posé la même question au vieil homme derrière le comptoir, il aurait été heureux de l'emmener dans le coin Sans Temps de la bibliothèque et comploter toute la nuit.

Malheureusement pour elle, Willow avait décidé de faire ces recherche seule. Elle n'avait fait que reporter une rencontre qui allait changer sa vie, mais elle aurait pu s'épargner une nuit blanche.

Le bibliothécaire, lui, n'avait pas besoin de dormir. Les usagers de la bibliothèque ne s'en doutaient pas. Ils voyaient bien que, si la bibliothèque avait des horaires officielles, celle-ci n'étaient jamais respectées. Le bâtiment était parfois ouvert toute la nuit alors qu'il devait fermer ses portes à dix-huit heures, et inexplicablement fermé au milieu de l'après-midi. Beaucoup mettaient à tort cette irrégularité sur le compte des heures de sommeil éclectiques du vieil homme. A tort car, encore une fois, le bibliothécaire ne dormait pas.

Quand Willow commença à peiner à garder les yeux ouverts, elle se décida à rentrer. Elle devait d'abord poser au comptoir tous les livres qu'elle avait consultés. Elle aurait dû s'attendre à une coïncidence infortunée, sa journée étant été trop calme. Mais elle était trop fatiguée pour se rendre compte de cette irrégularité.

Car qui d'autre que Kore aurait pu être accoudée au comptoir ?

Elle ne portait pas une de ses habituelles tuniques blanches mais une jupe en plaid et un gilet en laine épaisse. Ses cheveux cascadaient de son bonnet gris en des boucles souples.

Heamhynn & Persephone, ou la vengeance de KoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant