Partie 2 - Chapitre 1- Une journée ordinaire

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Quelques semaines plus tôt, quelque part dans l'Univers Réaliste...

Cette rude journée tirait à sa fin. Comme chaque soir, je devais descendre cette somptueuse colline bordée de ces arbres si typiques de nos contrées : des aspérites géants. Ils s'élevaient jusqu'à cinquante mètres du sol et se rejoignaient tout là-haut, formant une sorte de tunnel végétal très dense et qui nous protégeaient efficacement des soleils de notre système. Et à l'horizon, on pouvait voir les transporteurs rentrer à la base en files indiennes. Leurs longues traînées verdâtres semblaient ne jamais finir. Il devait y avoir ainsi dix douzaines de vaisseaux transportant chacun près d'un millier d'hommes et leur matériel.

Il en était ainsi depuis plus de cent ans. Les travaux titanesques de la lune Belta semblaient interminables, mais disait-on, le plus gros était fait en ce qui concerne le premier secteur, c'est à dire la face visible de Belta. Le secteur deux en était encore au stade de projet et les études préliminaires s'éternisaient déjà. Profitant de l'expérience acquise les ingénieurs les plus optimistes annonçaient que les travaux du second secteur dureraient moins de cinquante ans, ce qui réjouissait déjà les hautes instances de notre administration. Bientôt les premiers colons allaient alors pouvoir s'installer dans les premiers secteurs. Tout cela me laissait perplexe : notre planète était certes quelque peu exiguë mais sa population avait cessé de croître il y a bien longtemps, bien avant ces travaux démesurés. Et les nombreux moyens mis en œuvre pour assainir l'air et l'eau avaient porté leurs fruits. Les problèmes d'il y a cent cinquante ou deux cents ans, cette pollution endémique et les ravages que notre vieille planète avait subis, avaient déclenché cette réflexion : ne pourrait-on pas coloniser notre majestueuse et immense Lune qu'est Belta ? Je ne sais plus qui a eu cette idée saugrenue au départ, mais ce fut le point de départ d'une formidable course aux innovations dont l'une révolutionna notre conception de l'univers : il était possible de créer artificiellement une atmosphère permettant à la vie de se développer. Et de là, les possibilités s'étendirent à l'infini : il était désormais possible, en théorie, de coloniser pratiquement n'importe quelle planète et y faire se développer la vie, permettant ainsi de juguler les problèmes de surpopulation qui pouvaient affecter les autres mondes.

Et c'est probablement ce qui irritait le Grand Conseil : les fumées vertes typiques des nouveaux moteurs écologiques semblaient inquiétantes et cela contrastait trop avec l'idée que l'on se fait de la propreté écologique, surtout quand on compare le tout aux autres formidables innovations. Il n'en reste pas moins qu'en réalité ces fumées vertes étaient tout à fait neutres d'un point de vue strictement environnemental. Et je suis assez bien placé pour le savoir car je les ai conçus ces moteurs écologiques : on les appelle les Birkman EKO 3. De mon nom Aléo Birkman et du carburant tiré des exploitations d'eko, une plante au rendement énergétique exceptionnel. Et le 3, pour la troisième génération. La quatrième génération était donc en cours de développement et tous mes soucis du moment venaient de là. Mon cahier des charges était pourtant simple : plus aucune vapeur verdâtre ne devait sortir de la chambre à combustion ! Trop facile pensais-je ! Un bon filtre bien placé et le tour sera joué. J'avais mis alors une équipe d'ingénieurs sur le sujet et je ne m'étais pas attendu à de tels problèmes... L'eko avait des propriétés bien spécifiques, et s'il ne produisait pas de pollution, ses résidus végétaux avaient tendance à détruire les filtres. Autant les résidus se dissolvent dans l'air, dans beaucoup d'air, autant dans un milieu confiné, ils s'agrègent, et très rapidement. Détachant mon regard de cette file ininterrompue de vaisseaux transporteurs, je portais mon attention sur la cité impériale dont l'imposante structure qui s'étalait au loin imposait une certaine humilité. De là où je me trouvais, je pouvais parfaitement distinguer les immenses flèches symbolisant chacune l'un de nos mondes ainsi que le minaret central symbolisant l'unification des douze mondes. De cet immense ensemble émanait une puissance presque mystique. Cela me revigorait habituellement, mais ce soir, j'en avais assez : au diable les filtres, les particules, l'eko et le Grand Conseil et son palais impérial !

La légende des douze MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant