Chapitre 5

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Depuis ma sortie de l'hôpital, il y a une semaine, je ne me sentais plus moi-même. J'avais changé et revu mes priorités. Ma vie professionnelle était à présent devenue secondaire. Mon ambition avait été revue à la baisse, au grand dam de Simon. Cela ne m'intéressait plus.

- Lana dépêche-toi !

Simon perdit patience lorsqu'il constata de quelle manière nonchalante j'arrivais. Être en retard ne me posait pas le moindre problème. Je ne m'en inquiétais pas. Simon, lui, voyait rouge. Le comportement que sa collaboratrice adoptait avait tendance à l'agacer. En peu de temps, j'avais changé du tout au tout. Jadis assidue dans mon travail, perfectionniste, je me rapprochais à présent dangereusement du je m'en foutisme. Simon ne me reconnaissait plus, peu à peu je devenais étrangère. Debout au bout du couloir, les bras croisés, il m'observait, son regard droit sur moi. Je prenais mon temps. Doucement, je fis une halte à la machine à café, je ne pouvais faire l'impasse sur ma dose de caféine. De mes mains gelées par la fraîcheur hivernale, je tins fermement le gobelet. La chaleur qui s'en dégageait me réchauffait les paumes.

- Lana !

Simon insistait, l'intonation de sa voix changeait.

- J'arrive.

Lorsque je fis face à Simon, je me contentai de hausser les épaules. Je n'avais aucunement l'intention de me justifier, je n'avais pas de comptes à lui rendre.

- Je ne pourrai pas indéfiniment te couvrir.

Je ne pus m'empêcher de rigoler. Je ne lui avais rien demandé. Ma conscience professionnelle se portait comme un charme, je n'avais pas besoin de ses mises en garde. Sans un mot de plus de sa part, je mis court à la conversation et pénétra dans notre bureau. Assise derrière mon écran d'ordinateur, sans lui adresser la moindre parole, je me mis à travailler. Pouvant pour le moment se passer de communication, Simon fit de même. L'un en face de l'autre, chacun à notre poste, nous fîmes ce que nous avions à faire, travailler. De temps à autre, Simon dirigeait son regard vers moi. Il s'inquiétait. Mon regard était morne, vide, dénué de toute expression. Dans mes yeux, il ne décelait plus aucune once de vie. Quelque chose en moi était mort.

- Tu as jeté un œil aux produits phares ? M'interrogea-t-il pour me sortir de mon état.

Il voulait me mettre devant mes obligations professionnelles. Ma réponse se fit attendre, je ne l'avais pas véritablement entendu. J'avais bien entendu une voix au loin, mais je n'en avais pas décelé les propos.

- Lana, les produits phares...

- Ah oui, je vais m'y pencher

Simon était dépité. Il ne savait plus comment agir. L'attitude adéquate à adopter lui était inconnue. Simon ouvrit une boîte en carton qui se trouvait au coin de son bureau. Plusieurs appareils en tout genre s'y trouvaient. Il ne savait par lequel commencer, aucun ne l'inspirait véritablement. Il en sortit une liseuse numérique. Le jeune homme l'analysa sous toutes ses coutures. De la forme au poids, rien ne lui échappait. Il chercha le bouton on/off et l'alluma. Simon navigua dans les menus. Il testa la réactivité et la qualité de l'appareil. De sa main droite il tint la liseuse, de la gauche, il se frotta énergiquement les yeux. Il brancha sa clef usb à son ordinateur et ouvrit le dossier Java qu'il avait commencé la veille. Il retroussa les manches de sa chemise et se mit au travail. Ils avaient un communiqué à rédiger pour chacun des produits que contenait la boîte. Ils n'avaient pas de temps à perdre. Du retard, ils en avaient déjà pris assez, les heures étaient comptées. Simon allait devoir redoubler d'efforts.

« A l'heure où le livre papier se dissipe, le numérique s'ancre ».

Simon lut à plusieurs occurrences le chapeau de son communiqué. Il n'en était pas satisfait. Ce n'était ni imaginatif, ni innovant, mais plutôt plat, sans vie. Les phrases accrocheuses sortaient de mon cerveau, ce n'était pas le domaine de Simon. Défendre quelque chose, faire la promotion orale d'un produit était ce pour quoi on l'avait engagé, il n'avait jamais été convenu qu'il doive rédiger des rapports ou des communiqués de presse. A chacun ses compétences. Simon avait d'autant plus de mal avec ce produit. Il ne pouvait vendre quelque chose auquel il ne croyait pas. Pour lui, le livre papier restait indémodable. Rien ne pouvait venir le détrôner des éternelles bibliothèques. Simon pensait que la nouvelle technologie ne tuait pas la bonne vieille version papier, au contraire, elle la renforçait. L'e-book ne pouvait prendre la place d'un livre papier, il n'en démordait pas.

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⏰ Last updated: Mar 11, 2020 ⏰

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