« Le désespoir, le questionnement, l'acceptation sont étapes d'une dite rédemption.» - Anonyme
Aujourd'hui, cela fait quatre mois et vingt-sept jours que je suis dans cette optique de non-retour. Je suis allongé encore et encore parce que je n'ai simplement pas la force de tenir debout. En fait, ça fait presque deux semaines que je ne tiens plus debout mais j'essaie de ne pas me le dire, j'étais si content de courir, après un ballon ou un rêve, je ne sais pas trop.
J'ai extrêmement mal à la gorge, cela ne change pas, du moment que je peux toujours gueuler sans trop me défoncer totalement au point de me faire une brûlure par moi même par la seule force de ma voix. De ce coté là, j'ai un peu de chance, mais bon, je vais pas en faire la fête non plus.
Il est 8h01 et je suis déjà réveillé. Franchement, ça craint. Le seul moment intéressant de la journée, si je ne meurs pas d'ici là, va être Marion qui va passer me voir en défonçant la porte comme à son habitude dans son fauteuil, vers à peu près onze heures. Elle est jolie, vraiment. Voilà le moment où je regrette de ne pas tenir sur mes putains de jambes, et de n'avoir même pas la force de me maintenir sur des béquilles ou encore un fauteuil. Je rêve souvent de mes potes, nous tous autour d'une table en train de rigoler comme si de rien n'était, ou alors de moi qui court derrière, ou devant, ça dépend, le fauteuil de Marion. Elle sourit, donc je souris aussi. Il est maintenant 8h03, et je me fais vraiment chier.
Mme Torres vient d'entrer pour remplacer la dose du médicament qu'ils m'administrent par intraveineuse tous les jours, je sais même pas comment il s'appelle, à quoi il sert ni de quoi il est composé. Martha, comme je l'appelle, vu que ''Mme Torres'' est un peu long, s'est contentée de me dire que c'était une molécule qui servait à stabiliser la bonne division des cellules normales, pour ne pas qu'elles deviennent cancéreuses à leur tour. Car oui, mon cancer me favorise à en avoir de nouveaux, c'est vraiment pas mal ça, all inclusive.
J'entend un vacarme dans le couloir, du coup je regarde l'heure : eh oui, il est onze heures quatre et Miss Carnaran arrive. La porte s'ouvre d'un coup en trombe, et elle s'arrête net devant le mur.
"Héééé! Comment vas-tu aujourd'hui ? Toujours pas mort?"
Son humour est carrément déplacé, elle sait très bien que selon les médecins c'est un miracle que je sois encore en vie. Ils m'avaient pronostiqué mort il y a onze jours. Mais elle me fait quand même rire, donc peu importe.
"Je vais bien. Et toi?"
"Eh bah ca va aussi. Mon voisin de chambre, tu sais le petit là, il a fait une embolie cette nuit, vers six heures. Il est au bloc encore maintenant"
"Putain de merde! Mais on sait pourquoi?"
"Je suis pas médecin je te signale, je te rappelle que hormis toi avec qui je rigole pas mal et la machine qui me maintient en vie il n'y a rien qui me retient ici du tout."
"Tu es bien pied-à-terre aujourd'hui"
"Tu veux que je me réjouisse que mon voisin de chambre soit quasiment mort?"
"Je n'ai pas dit ça"
"Bref. Le Doc Katel m'a dit que je pouvais passer une demi heure seulement aujourd'hui, au lieu d'une heure entière, parce que j'ai des traitements supplémentaires juste cet aprem apparemment. Il me prive du seul moment cool de ma journée, alors traine pas et lance l'épisode."
Marion recule son fauteuil et le place à coté de mon lit, en face de mon ordi sur mes genoux. On regarde une série historique qui parle d'une guerre de gangs en Angleterre entre les deux guerres, plutôt pas mal, un épisode par jour. Je lance l'épisode et pose ma main sur son épaule. Elle m'a dit la semaine dernière que elle aimait bien, je le fais donc tous les jours.
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Nouvelles
Short StoryDe courtes histoires sans lien. Je vous souhaite une bonne lecture. Nouvelle n°1 : Un autre monde. Nouvelle n°2 : [à paraitre]