Le bibliothécaire ferma son livre. Il n'avait pas été violent, mais le poids et la taille de l'ouvrage firent retentir le bruit dans toute la bibliothèque. Il en sourit,un peu coupable. Il détestait l'idée même d'être violent avec un livre, mais celui-ci avait reflété sa frustration. Sur le film plastique qui recouvrait la couverture en cuire, une main rageuse avait corrigé le titre. Le sobre « Réflexion philosophiques »avait été barré au marqueur et remplacé, dans une langue ancienne que plus personne ne parlait, par « Stupides prophéties d'une sorcière tout aussi stupide et pénible ». La protection transparente était placée à la va-vite par une main compétente,dans le but précis et puéril de corriger le titre sans abîmer le livre.
Il ferma les yeux. « Rouge » .Encore et toujours « Rouge ». La vieille bique se moquait bien de lui. Elle aussi était évidemment inquiète à propos du« Rouge », mais pourquoi, ô grands dieux pourquoi,rester si cryptique ? « La reine est ce dont le rouge à besoin ». Ils savait ce qu'était le rouge. Mais la reine ?
Le chuintement des portes automatiques lui fit lever la tête. Oh. La reine. En effet.
Le menton haut, le dos droit, Willow descendit le long du hall. Les dents serrées, les poings fermés sur les bretelles de son sac à dos et ses longs cheveux flottant dans le vent, on voyait presque sa couronne.
Quelques minutes après qu'elle aie repris ses recherches, le bibliothécaire s'assit en face d'elle.
« Salut, poupée. »
Willow leva les yeux du lourd ouvrage posé sur la table.
« Qu'est-ce que tu cherche ? »
Elle le fixa, étonnée. Peu sûre d'elle, Willow répondit, « Comment blesse-t-on une fée ?"
Les yeux bibliothécaire se perdirent un instant dans le lointain.
« Blesser une fée... Ce n'est pas la chose la plus responsable que tu puisse faire... Soit. Les fées sont des créatures magiques, donc il doit être possible d'adapter un ou deux rituels. » et après une pose : « Je crois que tu connais Kore ? »
Oh, non, pensa Willow. Oh non.
« C'est une sorcière très, très puissante. »
Kore ? La minuscule rouquine qui transpirait les arc-en-ciel, les paillettes et la guimauve, entre autres symboles associés à la joie et la niaiserie ?
« Si tu veux causer plus qu'une inconvénience mineure, tu aura besoin de son aide. Le grimoire auquel je pense n'est pas titré, mais je devrais pouvoir te le trouver facilement. »
Et juste comme ça,le vieil homme était parti, virevoltant entre les étagères.
Willow ne pouvait pas faire confiance à Kore. Une sorcière, vraiment ? Elle n'avait ni nez crochu ni verrues proéminentes. Elle ne voyait pas comment Kore pouvait être une très, très puissante quoi que ce soit. Avec son sourire niaiseux agaçant, sa politesse bornée,son calme inébranlable, elle n'était pas humaine. Pas assez au goût de Willow. Elle avait pourtant tout essayé. La traiter froidement, laisser la politesse au placard, la provoquer de front. Willow avait beau chercher, elle ne trouvait pas le nerf sensible de Kore, et ça la mettais à fleur de peau. Comment pouvait-elle accepter de se faire marcher dessus comme ça ? Son contrôle et son sang-froid inquiétaient Willow.
Restait à savoir,qui de sa méfiance et de son désir de vengeance allait gagner.
Ce dilemme lui prit un grand total de trois minutes. Elle pourrait bien demander del'aide à Kore, si elle était si puissante. Il faudrait juste à limiter les interactions pour ne pas lui envoyer un crochet du droit au visage.
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Heamhynn & Persephone, ou la vengeance de Kore
FantasíaLa SIOE, Southern Institute Of Everything, a la réputation de former les esprits les plus brillants du monde. Médecine, littérature, mathématiques, théâtre... Si une personne est au sommet de son art, il y a de grande chances qu'elle sorte de la SIO...