8 | À la folie

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Il aurait dû réviser ; il le savait, hier, assis à son bureau face à son cahier d'histoire et son ordinateur. Évidemment, c'est l'ordinateur qui a gagné et il a passé sa soirée dessus, oubliant les quelques heures de sommeil dont il avait besoin. Adam regrette de ne pas y avoir réfléchi.
Son contrôle a été une catastrophe, et encore plus quand il voyait ses camarades écrire des pages entières de composition et qu'il n'avait fait qu'une dizaine de lignes.

Il est dans le couloir, adossé contre le mur, il attend que tous ses amis sortent de la salle de cours.
– Oh Adam ! On est tombé sur le seul sujet que j'ai révisé, si ça c'est pas une chance !
Tony avait remarqué pendant leur devoir sur table qu'Adam n'avait presque rien écrit sur sa feuille, et il savait pertinemment que ça le toucherait d'ironiser sur ça.
– Tony, il y a un truc qui s'appelle "fermer sa gueule", tu veux que je te l'apprenne, peut-être ?
Tony explose de rire et s'écarte pour éviter de s'en prendre une. Les autres garçons commencent tous à sortir de la salle un par un et finissent regroupés au milieu du couloir. Ils se dirigent vers les escaliers en parlant de leur devoir. Il y a toujours cette chose qui apaise les tensions et le stress, et aujourd'hui, c'est Antoine qui a dégringolé toutes les marches après avoir glissé, suivi de Matt qui lui a roulé dessus. Tous les gens les regarde avec mépris, ils ne savent pas rigoler des bonnes choses, pense Adam, un sourire au coin des lèvres.
Ils sortent dans la cour en se moquant de leurs deux compères. Il y a un grand soleil et un léger vent chaud. Adam a déjà réussi à oublier son évaluation complètement ratée, il se rattrapera la prochaine fois.
Il sourit comme un enfant et tourne son regard vers les bancs par habitude. Ses lèvres se refermèrent d'un coup, il sent son cœur se briser en mille morceaux et tous ses muscles se crisper. C'est comme si ses jambes ne supportaient plus le poids de son corps. Ce qui se passe devant ses yeux n'est pas soutenable, surtout qu'il n'a jamais imaginé un tel scénario possible jusqu'ici. Elle, celle pour qui il ressent quelque chose au fond de lui, est en train de fondre en larmes. Il reste figé, les yeux grands ouverts, ne sachant pas comment réagir.
Sam s'approche de lui, inconscient de la destruction intérieure de son ami, et se met à le toucher pour l'embêter. Adam le repousse violemment, puis repense à leurs immaturités. Il se braque et ne veut surtout pas que ses amis mettent mal à l'aise cette fille, qui a l'air déjà beaucoup trop mal pour subir une vague de ricanements.
– Arrête, euh... J'ai fait du sport hier, j'ai mal partout, me touche pas.
– Espèce de menteur, tu ne fais même pas trois abdominaux et tu me parles de sport.
Adam remarque du coin de l'œil les autres garçons partir en direction des bancs, son cœur se met à battre à toute vitesse. Il réfléchit. Il devrait peut-être simuler une douleur quelque part pour que ses potes l'accompagnent à l'infirmerie, mais après réflexion, si la fille le voit, elle pensera directement qu'Adam tente de se moquer d'elle. Une absence à justifier, bien sûr, ses potes ne se poseraient pas de question et le suivrait. Mais Adam n'a pas agis assez vite et Antoine se retourne vers lui en pointant du doigt la fille aux cheveux roux.
– Mec ! La meuf que tu kiffe, elle chiale.
Adam affiche une expression du visage dépitée.
– Mec, réveille-toi ! C'est ton moment, va la voir.
– Elle est avec son amie, c'est bon, elle s'occupe d'elle...
– Adam, t'es sérieux ? Elle pleure là, c'est pas rien.
Adam fait marche arrière et s'en vas vers les bâtiments pour s'y réfugier. Matt le rattrape et ils regardent tous les deux la fille. Elle relève la tête en regardant dans le vide, son visage et ses yeux sont rouges, sa respiration est saccadée, son souffle est rempli de désespoir.
Adam commence à trembler.
– Les gars, je peux pas, j'ai envie de vomir. Il faut que j'aille à l'infirmerie.
– L'infirmerie est à l'opposé, ça va plus vite d'y aller en traversant la cour.
Adam ne réfléchit plus et les suit. Arrivés en plein milieu de celle-ci, ils arrêtent leur ami. Il se retrouve dans le champ de vision de la fille. Adam secoue la tête et tente de s'éloigner, mais Tony le retient.
– Mec, tu nous fais quoi là ?
Il observe le visage de celle qu'il aime, à travers ses petites mains qui le cache. Son amie à côté d'elle se redresse et croise le regard d'Adam, elle n'a aucune émotion sur son visage, même s'il pense sentir de la haine venant d'elle. Elle met fin au jeu de regard et tourne la tête vers la fille qui lui adresse quelques mots, puis elle se remet à pleurer de toutes ses larmes. Elle la prend dans ses bras pour la réconforter.
– Adam ! T'attends quoi là ? Va la voir.
– Mais je sais pas ce qu'elle a, c'est gênant.
– Gênant ou pas, elle a besoin de toi là.
– Si ça se trouve elle pleure pour un autre mec, je vais pas aller la voir pour me faire rejeter. Tu vois pas comment sa pote m'a regardé.
– Mais n'importe quoi, au moins t'auras essayé, et puis on s'en fout de sa pote !
Adam secoue la tête et sent ses yeux s'embuer. La fille enlève sa tête de ses mains et la relève vers Adam, les yeux à moitié fermés et noyés sous les larmes. Elle lui lance un regard de détresse, le regard d'appel d'aide, celui que tu ressens comme le dernier. Adam lâche un gémissement de mal et détourne le regard en lui tournant le dos.
– Je peux pas, je peux pas, je peux pas...
– Mec, reprends-toi ! Tu peux pas l'aider en te mettant dans le même état qu'elle.
Adam passe sa main dans ses cheveux, mais refuse de faire à nouveau face à son coup de cœur. Il baisse la tête.
Des bruitages envahissent la cour, plein d'élèves sortent profiter du soleil de printemps. L'amie de la fille la prend doucement par le bras et l'entraîne vers l'intérieur du lycée pour la protéger des regards insistants des autres.
– Elle s'en va, t'es content ? Lance nerveusement Tony.
– Je ne la connais même pas, qu'est-ce que j'aurais pu lui dire de toute façon...
– Plus que lui tourner le dos.
Adam soupire.

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