9 | Désespérément

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   Aujourd'hui, le ciel est gris. Il est gris, mais il ne pleut pas. Voir le positif dans le négatif, pense Adam.
   Aujourd'hui, il va parler à cette fille. Après tous ces lundis à se laisser tenter dans des petits jeux de regards, des rapprochements timides, et ce dernier jour où elle s'est mise à pleurer et qu'il n'a pas osé aller l'aider. Il s'en veut. Il aimerait tout régler ; tous ses problèmes ; du mieux qu'il peut ; parce qu'il rêve de ses jolies lèvres qui sourissent. Mais il se rend à l'évidence, il n'a pas le courage de faire sortir des mots de sa bouche lorsqu'il est à côté d'elle. Il le sait.
   Il soupire. Quinze minutes de cours se sont à peine écoulées qu'il s'impatiente déjà. Son pied tape sur le sol inconsciemment. L'amour fait perdre le contrôle.
   D'un coup, il se souvient d'un film qu'il a vu à la télé il y a quelques jours. Il n'avait pas vraiment regardé, les réseaux sociaux étaient bien plus intéressants ce soir-là, mais il repense au personnage principal qui avait donné une lettre à sa bien-aimée pour s'excuser de l'erreur qu'il avait faite. Adam n'a aucun souvenir de ce qu'avait pu faire cette personne, il n'en avait pas grand-chose à faire à vrai dire.
   Une lettre, un mot, juste un moyen de coucher sur le papier ses sentiments et éviter ce pénible stress.
   Il sort un cahier délabré de son sac et feuillette les pages jusqu'à en trouver une en parfait état. Il la déchire doucement, ce qui attire l'attention du professeur.
   – Adam !
   Il sursaute à l'appel de son prénom et ne bouge plus. Le professeur tourne le dos aux élèves et écrit de nouveau au tableau. Sans se préoccuper de l'avertissement strict de Mr Pounto, Adam reprend sa tâche et fini de déchirer le reste de la feuille. Il pousse toutes les affaires de sa table et pose le papier à plat.

   Allez Adam, c'est comme une lettre de motivation... Sauf que là, c'est pour rentrer dans son cœur.

   L'heure passe, la fiche se remplit peu à peu. Il se surprend lui-même, il a plus écrit sur cette feuille que dans son cahier pour prendre en note le cours. L'amour fait des miracles.

   La sonnerie retentit. Les élèves rangent leurs affaires et sortent de la salle, Adam fait de même. Il pend son sac à son épaule, et prend le mot dans sa main. Ce matin, avant de partir en cours, il a choisi de porter la même tenue qu'il avait le jour où il a vu cette fille pour la première fois. Il se sent faible, mais si c'est pour elle, ça ne le dérange pas. Il suit ses amis de loin en se dirigeant vers les escaliers et relit le mot une dernière fois.

Salut, parfaite inconnue. Tu vas te demander pourquoi je te donne ce bout de papier au lieu de te parler de vive voix, mais si j'ai osé t'approcher pour te le passer, c'est déjà une bonne avancée de ma part. Je t'ai remarqué depuis longtemps comme tu as sûrement pu le constater, mais je ne suis pas vraiment adepte aux techniques de dragues douteuses alors... Je ne t'ai pas accosté. Je ne sais pas vraiment comment j'en suis arrivé là, mais je pense avoir des sentiments pour toi. Et oui, je sais, on ne s'est jamais parlé, mais il y a un début à tout, non ? Je ne veux pas t'effrayer ou que tu viennes à penser que je suis un mauvais garçon qui va jouer avec ton cœur, je veux essayer de faire les choses bien avec toi, alors commençons par devenir amis ? Je te laisse mon numéro en bas du papier, si tu ressens la même chose que moi, envoie-moi un message :) Adam.

   Adam souris et replis le bout de papier. Il marche comme s'il avait bu un peu trop de verre et rigole comme un enfant. L'amour rend idiot.
   Il rejoint son groupe de potes qui l'attendent à la porte, en bas du bâtiment qui donne sur la cour. Ils ne prêtent pas trop attention à son comportement étrange et commencent à se chamailler entre eux. Adam les suit en souriant, puis tourne la tête vers les bancs ; vers son banc. Mais personne n'y est assis. Il regarde partout autour de lui, en essayant d'apercevoir cette fille aux cheveux roux, mais personne. Son visage s'assombrit et il regarde le papier dans sa main avec une terrible déception. Il voulait lui donner aujourd'hui.
   Peut-être qu'elle n'est pas encore sortie, pense Adam. Tony lui attrape le bras et prend le mot dans sa main.
   – Oh ! Mais que vois-je ? Un petit mot pour... Une parfaite inconnue !
   – Arrête Tony, c'est pas pour toi, trouve-toi une meuf.
   – Regardez ça, monsieur a des touches avec une fille, et maintenant, il devient un garçon complètement différent.
   – Quoi ? Non ! C'est juste que j'ai passé du temps à écrire ça, je ne veux pas que tu le déchires.
   – Eh, je suis pas comme ça.
   Tony repose le précieux bout de papier dans les mains d'Adam et cherche la fille en question.
   – Ne cherche pas... Elle n'est pas là.
   Adam baisse la tête et se dirige vers les bancs pour s'asseoir.
   – Mec, dis pas ça. Elle va bien finir par apparaître comme par magie devant toi.
   Tout le groupe suit les traces de leur ami jusqu'aux bancs. Ils attendent cinq minutes, puis dix minutes, puis vingt minutes, mais toujours rien. Adam désespère.
   – Euh... Vous voulez bien aller voir si elle est dans les couloirs ? Peut-être qu'elle ne sort pas parce qu'il ne fait pas beau dehors et...
   – T'inquiètes, on s'en charge. On va la ramener, attachée comme un gigot d'agneau.
   Adam sourit et les regarde s'éloigner rapidement à l'intérieur du lycée.
   Un quart d'heure plus tard, le groupe de garçons revient. Adam bouge dans tous les sens, impatient d'entendre le verdict.
   – Mec ! Regarde ! Ce gros bouffon de Matt s'est amusé avec l'extincteur du troisième étage.
   – Ah, ouais, je vois ça. Est-ce que...
   – Non mais regarde ! Je suis trempé, c'est sérieux là ?
   – Ouais, sacré Matt. Sam, est-ce que tu as...
   – Je te signale, mon cher Sam, que c'est toi qui m'as dit d'essayer de te viser avec l'extincteur.
   – Eh ! Les mecs !
   – Attends, quoi ?! Moi, je t'ai dit de me viser ? C'est Antoine qui te l'a dit, pas moi.
   – Vous êtes sérieux là ? On s'en fout de votre extincteur, est-ce que vous avez vu...
   – Tu sais que la prof ne voudra jamais t'accepter en cours si t'es mouillé comme ça ?
   – LES MECS !
   Tout le monde se retourne vers Adam, stupéfait.
   – Est-ce que vous avez vu la fille que je vous ai demandé d'aller chercher ?
   – Non, désolé Adam.
   Adam râle et se laisse tomber contre le dossier du banc.
   Peu de temps après, la fin de l'heure a sonné. Adam range finalement le papier dans sa poche de jean.
   – Je me promets d'aller lui parler en face lundi prochain...

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