Andéol (9)

148 16 10
                                    

Ce matin-là, je me suis réveillé avec une drôle d'impression. Comme si aujourd'hui, les choses ne devaient pas se dérouler comme je les avaient imaginées.

Et pour cause...

Quelques jours plus tôt, Thomas m'avait proposé que nous nous retrouvions au parc ce dimanche, pour discuter tranquillement comme nous avions pris l'habitude de le faire. La veille, juste après le concours, il m'avait renvoyé un message pour me confirmer ça, en précisant qu'il aurait des choses importantes à me dire.

Ainsi, j'en étais rendu à me demander ce qui pouvait bien m'attendre... Évidemment, je n'ai pas pu m'empêcher de penser au pire : avais-je fais ou dis quelque chose de mal ? Quelque chose qui aurait pu corrompre notre relation ?

Mais j'avais beau chercher, je ne voyais pas... C'est vrai que ces derniers temps, il semblait plus préoccupé, même distant par moment. Mais en parallèle, il était toujours aussi adorable avec moi et m'avait même présenté à sa famille, le soir du spectacle de danse. Tous m'avaient accueilli chaleureusement.

Peut-être que je m'inquiétais pour rien, qu'il n'y avait rien de grave. Peut-être même que ce serait quelque chose de plutôt positif...

Je me suis donc préparé pour le rejoindre. Sans vraiment m'en rendre compte, je pris un soin particulier à me coiffer et à choisir ma tenue : une chemise azur ouverte sur un tee-shirt blanc, un pantalon court écru et des tennis bleues, le tout agrémenté d'un foulard en flanelle.

Je sortis à 14 heures et me dirigeai vers notre point de rendez-vous. Mon appréhension augmentait au fur et à mesure que j'approchais des Tourelles. Un affreux doute m'envahit alors : et si ce qu'il avait à me dire concernait notre discussion de l'avant-veille ?

Le lendemain du jour où mon père était venu me chercher au cinéma, juste avant le spectacle, j'avais retrouvé Thomas pour lui raconter ce qu'il s'était passé. Fatalement, je lui avais parlé de ma nouvelle idée de partir faire mes études à Paris, suivant le vœu de mes parents. Il avait accueilli la nouvelle calmement, sachant que cela remettait en question toutes nos perspectives pour l'année prochaine. Si je partais à Paris nous serions séparés ; car il n'envisageait pas de quitter la région. Alors, se pouvait-il qu'il m'en veuille pour ça, pour avoir mis à mal tout ce que nous avions prévu ?

Thomas m'attendait à notre endroit habituel, à l'ombre d'un grand saule qui bordait le lac aux cygnes. Il portait une chemise corail et un bermuda blanc ainsi que des lunettes de soleil. Il était beau.

Il se leva en me voyant approcher.

- Hello, fis-je avec un sourire timide. Ça va ?

- Ça va et toi ? répondit Thomas en me faisant la bise. Merci d'être venu.

- C'est normal. Et puis ce n'est pas comme si je n'aimais pas ta compagnie !

Nous nous assîmes. Il retira ses lunettes et me regarda :

- Comment s'est passé le concours ?

- Très bien ! affirmai-je. J'ai adoré être sur scène, tu sais que c'était une première pour moi. Mais honnêtement, c'était sensationnel – littéralement. Je me suis senti... Transporté. J'en ai même oublié ma timidité ! Le public, le jury, les autres... Tout m'allait.

Thomas sourit et me caressa la main dans un geste affectueux et naturel :

- Ça me fait plaisir d'entendre ça. Tu es une vraie bête de scène alors ?

- Il faut croire !

- Hum, j'y crois. J'aurais beaucoup aimé venir vous voir...

LiésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant