Marie

16 1 0
                                    


J'ouvre les yeux pour apercevoir une dernière fois la ville magnifique qui m'entoure et que je vais devoir quitter. Du haut de la tour Nord de la Cathédrale gothique Sainte-Croix, Orléans est magnifique avec ses maisons Renaissance en pierre et pans de bois. Cette nuit plus que tout autre je peux ressentir le fantôme  de Jeanne d'Arc emprisonnée dans les rues étroites qui ont assisté à sa grandeur jusqu'à son sacrifice trahie par sa propre nation. La ville éclairée mais étrangement silencieuse semble me confier son secret empli de mélancolie et de regrets. Derrière moi gronde la Loire comme emplie de haine pour les erreurs passées. Plus loin encore la forêt, indifférente à ces broutilles humaines, m'appelle. Elle m'annonce une fuite moins effrayante mais plus incertaine. Une vie dans laquelle je ne ferais de mal qu'à peu de personnes. Mais à quoi bon si le mal n'est pas éradiqué. Ma décision est déjà prise. Je ne peux plus reculer. J'avance lentement entre deux gargouilles qui semblent assister à des funérailles. Plus que quelques pas. Le vertige me prend. Je veux faire demi-tour. Vivre à tout prix. Peu importe les conséquences. Puis son visage apparaît... Un jeune homme à la mâchoire marquée, une peau d'ivoire contrastant avec ses cheveux d'ébène et des yeux de glace perçant jusqu'à l'âme quiconque croise son regard. Sans vraiment savoir pourquoi, je sais qu'il m'appartient. Enfin, pas tout
à fait, quelquechose en moi ferait n'importe quoi pour le protéger. Sans même m'en rendre compte j'ai basculé dans le vide. Le sol se rapproche à une vitesse vertigineuse tandis que la représentation de la grande guerrière ainsi que les deux gargouilles contemplent mon déclin.
Je me réveille en sursaut, encore une fois, pour découvrir que je suis toujours enfermée dans les catacombes d'une grande église ( probablement une cathédrale ) et non pas au sommet de l'une d'elles prête à me sacrifier pour je ne sais quel imbécile. Il me semble que j'étais une personne plutôt naïve mais cela fait si longtemps que je suis enfermée... ou pas tant que ça d'ailleurs ? J'ai perdu le compte sans pouvoir voir le ciel... Désormais je me plais à jouer avec la lumière des chandelles en attendant mes bourreaux. Je ne sais toujours pas ce qu'ils me veulent mais ils ont l'air de m'étudier. Quand leur regard croise le mien, j'y décèle un mélange de terreur et de fascination. Serait-ce à cause de ma peau ? Il est vrai qu'elle est beaucoup plus claire que la leur. L'un d'eux m'a une fois comparée à une statue d'ivoire. Du fait qu'ils me séquestrent, je ne peux apprécier ces hommes. Mais celui-ci avait un regard lubrique lorsqu'il me contemplait. Il ne fait ressortir en moi que du dégoût et de la haine. Deux émotions que je n'avais jamais ressenties auparavant. Du peu dont je me souviennes du moins... Mes seuls souvenirs avant ce caveau sont une clairière, un loup blanc m'observant dans l'ombre avec mélancolie et trois hommes munis de torches et de chaînes lancés à ma poursuite. Une vague d'images m'avaient alors assaillie, m'empêchant de fuir. Aujourd'hui, je me demande si il ne s'agissait pas de souvenirs. Des souvenirs flous comme ceux d'une autre vie. Je ne savais pas parler mais j'ai appris en les écoutant. Désormais il ne me reste que l'ennui et la torture. Cela doit bien faire un an que je suis ici maintenant. J'ai cherché toutes les issues possibles sans succès. Pour m'échapper j'aurais besoin d'un allié et il ne serait pas difficile d'en trouver un parmi ces vieillards lubriques si seulement je ne voulais pas à tout prix garder la dernière chose qu'il me reste, mon corps. Même ce temps d'enfermement aura eu raison de mon âme. Je sais que si je cède mon corps je ne pourrais que me laisser mourir et c'est plus ou moins ce qu'il m'arrive tant qu'on y pense alors à quoi bon... Je suis perdue dans mes pensées comme à mon habitude tout en fixant les chandeliers lorsque la lourde porte en bronze qui me retient prisonnière produit un grincement digne du cri d'agonie le plus douloureux que j'ai entendu. Le grincement toujours résonnant dans ma tête je me tourne lentement vers mon visiteur. C'est un jeune homme à l'allure fière et ses yeux noisette laisse entrevoir un caractère fort et une pointe de malice. Intéressant... Il est vêtu du même col blanc que les prêtres mais celui-ci est à moitié dissimulé sous son long manteau. Plus je le regarde et plus je lui trouve des détails intriguants. Sous sa casquette gavroche je distingue quelques mèches de ses cheveux châtains légèrement bouclés. Parfait, on va pouvoir s'amuser un moment. Il a l'air beaucoup plus divertissant que les cadavres en devenir qui m'entourent. "Je ne t'ai jamais vu tu es nouveau ? Un peu jeune pour un prêtre."

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Mar 16, 2021 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Marie, the full moon childOù les histoires vivent. Découvrez maintenant