Your Story

Eden Marx

En tant que créateur de ce forum, il me semble juste de l'inaugurer par une histoire qui sans doute vous éclairera sur cette démarche.
Permettez...

  Tout a commencé un jour de classe ; notre professeure de français a distribué une liste de livres à la moitié des élèves de notre classe puis nous a expliqué ce qu'elle attendait de nous.
– Ceci est un petit projet que vous allez devoir faire à deux. Chaque binôme piochera un livre de son choix figurant dans la liste que voilà.
Un élève a levé la main avant de demander à la prof si nous devrions choisir nos binômes, question à laquelle elle répondit non. Les binômes seraient donc choisis, je dirais même plutôt imposés, par la  prof. Cette déclaration a été accueillie par une vague de désapprobation générale et collective.
– Oh nooon !!!
– Oh si ! Allez un peu d'enthousiasme. Normalement j'ai bien fait le choix des binômes, maintenant s'il y a mésentente entre eux, je compte sur vous pour trouver un moyen d'arranger les choses. Ce projet sera noté, alors je vous prie de ne pas le prendre à la légère, vous avez quinze jours à dater de demain, ça devrait vous laisser le temps de vous arranger. Bon ce n'est pas tout mais j'ai un cour à administrer moi donc sans plus tarder je vais vous citer les binômes et on en reparle plus...
Personne n'osa rechigner et l'affaire était vite clause, car tout le monde la respectait profondément. Sa façon d'enseigner était particulière, c'est le moins qu'on puisse dire, néanmoins, aucun autre professeur n'est mieux apprécié dans notre lycée. Elle est le genre de professeur auxquels cette vocation sied parfaitement, comme si ils étaient nés spécialement pour partager leur savoir, je crois bien que vous savez de quoi je parle, nous avons tous connu au moins un enseignant aimé de tous durant notre parcours scolaire.
Si comme les autres je n'osais pas interrompre son cours sur le coup, j'ai attendu jusqu'à la fin de l'heure pour m'entretenir avec la prof, parce que très clairement, cette histoire m'embêtait avant même de connaître mon binôme, dont je ne connaissais pour tout dire même pas l'identité tant j'étais convaincu que ma demande de serait acceptée. Je m'entendais bien avec elle, elle était l'une des rares personnes avec lesquelles je pouvais avoir de réelle conversation. Quand la cloche a sonné, je suis allée la voir comme prévu, pour lui demander de retirer mon nom de la liste, ce à quoi elle a répondu :
– Non Eden, je ne peux pas faire ça.
– Il n'y a vraiment pas moyen ? Je pourrais faire le double du travail demandé s'il faut, du moment que je suis seul...
– Désolée mais c'est non. Tu sais, il est temps que tu commences à te mélanger un peu aux autres, je te vois toujours seul dans un coin.
Si je reste tout le temps seul c'est bien qu'il y a une raison, les gens sont beaucoup trop cons pour que je me "mélange" à eux.
– je préfère rester seul qu'avoir de telles fréquentations, ai-je marmonné.
– À t'entendre parler on croirait un patricien romain qui méprise la plèbe. Dans ce monde il n'y a pas de place pour les loups solitaires, sache-le. Tu vas devoir te sociabiliser un jour ou l'autre, c'est presque inévitable pour survivre, spécialement dans le milieu professionnel où quasiment tout tourne autour des relations que tu entretiens. Alors pour une fois, je voudrais que tu essaies. En plus t'auras le Tpe l'année prochaine, vois ça comme une opportunité. Anna est une de mes meilleures élèves, elle est calme et studieuse, je suis sûr que vous allez bien vous entendre, d'accord jeune homme ? A-t-elle conclu avec une tape sur mon épaule.

*

Un peu plus tard dans la journée alors que je tuais le temps pendant une permanence en relisant des citations de livres que je rédigeais dans un cahier (aussi étrange que cela puisse paraître, ce procédé parvenait à calmer mes accès de mauvaise humeur), une voix m'a tirée de mon occupation :

– Qu'est-ce que tu lis ?
J'ai soulevé la tête pour découvrir que c'était Anna, elle tenait entre ses mains la liste de livres conseillés par notre prof. J'ai fermé mon cahier d'un geste brusque et dit d'un air irascible :
– Cela ne te regarde pas.
– Ouh, détendez-vous très cher, vous me paraissez quelque peu sujet à l'ire.
Elle me cherchait, elle allait me trouver cette petite insolente.
– Je n'ai pas de temps à perdre avec tes sottises alors je vais te dire comment ça va se passer : je vais me charger de ce projet tout seul et il sera parfait, tu auras la meilleure note de toute la classe et ton petit égo insignifiant sera comblé. En revanche, on ne se connait pas, alors ne viens plus me parler, c'est clair ?