OS

938 84 65
                                    

« — Et le bonheur alors, c'est quoi ?
— Le bonheur, c'est... c'est quand les emmerdes se reposent.
Et alors là, il faut faire gaffe de pas les réveiller. »

- "Itinéraire d'un Enfant Gâté"

Furieux, Naruto fit claquer la porte de la demeure familiale tandis qu'il s'en allait en pestant contre le monde entier. Une fois de plus, son père lui avait pris la tête pour des prunes et il n'en pouvait plus. En se mordant la lèvre inférieure pour ne pas laisser filer une flopée d'insultes, il appuya sur sa clef de voiture pour déverrouiller les portes, et s'installa au volant de la Volkswagen noire en démarrant. Il regarda à peine si la voix était libre, et lâcha l'embrayage pour appuyer sur la pédale d'accélérateur en y mettant bien plus de force que ne l'exigeait le raisonnable. Bien vite, il déboucha sur l'autoroute qui longeait la côte. Depuis qu'il avait quitté la villa Namikaze, il n'avait pas desserré les dents. Le caractère virulent de son père n'était un secret pour personne, c'était d'ailleurs à cause de cela que sa mère était partie sans laisser de trace quelques années auparavant. Cependant, en ce jour ensoleillé et radieux d'un début de printemps prometteur, Minato était allé bien trop loin. Naruto n'en pouvait plus de supporter les remarques acerbes de cet homme sur ses mauvais goûts, ses mauvaises fréquentations, ses mauvaises décisions – et que savait-il encore – supposés. Il ne supportait plus ses regards lourds de reproches stupides et sa vision de la vie aussi vide de sens que blessante.

En grinçant des dents, Naruto prit la sortie qui menait à la plage et stoppa son véhicule sur le parking dans un crissement désagréable de graviers. Il enleva les clefs du contact et sortit en faisant claquer la portière, se dirigeant vers le sable à grandes enjambées. Malgré la douceur prématurée du temps, la chaleur ne se prêtait pas encore tout à fait à une baignade, et il avait la plage pour lui tout seul. Satisfait de ce constat, il enleva ses chaussures, ses chaussettes, et retroussa quelque peu son pantalon avant de s'avancer vers l'écume et les vagues mourantes, laissant son regard se perdre dans la ligne floue de l'horizon.

Relâchant un tantinet ses muscles contractés par la colère, Naruto se remémora sa journée avec une boule dans la gorge qui ne voulait pas le laisser tranquille. Minato l'avait invité cet après-midi-là à le rejoindre pour boire un café et discuter. Discuter... le jeune homme avait eu la prétention de croire que son père voulait mettre les choses à plat et peut-être s'excuser de tous les obstacles qu'il avait mis en travers de sa route. L'eau encore glaciale vint lécher ses pieds, et il frissonna, sans trop savoir si c'était à cause du froid ou de la déception. Bien sûr que non, ce n'était pas pour être gentil que Minato l'avait invité. C'était uniquement pour lui faire comprendre que s'il ne changeait pas du tout au tout – c'est-à-dire s'il ne devenait pas une parfaite copie de ce qui lui servait de père – Naruto ne toucherait absolument rien de son héritage. Eh bien il n'en avait strictement rien à faire. À dire vrai, cela le soulageait presque de se dire qu'il n'allait rien devoir à cet homme qu'il méprisait.

Ce n'était pas cela qui l'énervait. Non, ce qui le rendait dingue, ce qu'il aurait préféré oublier, c'était qu'après toutes ces années d'effort à essayer de faire tout comme il fallait pour enfin exister dans les yeux de Minato, il ne pouvait que constater avec amertume qu'il avait échoué : son père ne le connaissait toujours pas. En écorchant le sable avec ses doigts de pied, il se demanda comment Minato pouvait avoir une telle image de lui. Comment pouvait-il croire que Naruto était si matérialiste qu'il laisserait derrière lui ses convictions et sa vie pour un héritage ? Pour de l'argent sale qui lui inspirait davantage l'envie de vomir que l'envie tout court.

Naruto avisa un rocher caressé par les vaguelettes qui avait l'air confortable et s'installa dessus en remontant la fermeture éclair de son blouson à haut col. Un vent frais commençait à poindre, pourtant il n'avait aucune envie de rentrer chez lui. Il savait pertinemment que prendre le volant alors qu'il avait toujours les nerfs à vif était une très mauvaise idée s'il voulait rester en un seul morceau. Il inspira donc une bouffée de l'air marin chargé d'iode, ce qui avait bien souvent le pouvoir de le rasséréner. Quelques embruns fouettaient de temps à autres son visage, rafraîchissant ses envies d'en venir aux mains avec son père. Avec un soupir, il laissa sa frustration s'échapper dans l'air et resta ainsi de longues minutes. Doucement, sa colère s'évapora pour laisser place à un triste vide. C'est ce moment qu'il choisit pour se lever et rejoindre sa voiture, pour éviter de déprimer davantage. Car après tout, il n'était pas à plaindre, il trouvait son bonheur ailleurs que dans l'amour paternel. Et l'une de ses sources de joie était :

Au diable les emmerdes !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant