Chapitre 1

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Il était différent. Loin d'être comme les autres. Il se moquait des pensées de ces personnes qui le regardaient avec de la pitié au fond des yeux.

Grandir seul. Sans famille. Ni mère ni père. Ou du moins, avec les quelques fragments, floutés par la mémoire, de leur image. Hanté par des rêves et cauchemars dans lesquels ils apparaissaient.

Raphaël McRoy, n'était absolument pas comme tout le monde...Un génie à l'état brut. Génie de la littérature souvent appelé par des enquêteurs afin de résoudre les énigmes, même les plus sordides, grâce à ses histoires. Il arrivait à tout élucider. Il lui suffisait d'avoir seulement deux outils : un carnet et un stylo, noir, de préférence.

A peine se mettait-il à écrire que plus rien pour lui n'existait. Seule l'écriture comptait. Ce monde dans lequel il se réfugiait quand les choses allaient mal était son seul et unique abri.

Mais cela fait quelque temps que par manque d'inspiration, le jeune écrivain s'arrêta et jamais il n'aurait pensé que tout basculerait cette nuit-là. Lui qui avait réussi à trouver un certain équilibre dans sa vie. Un juste milieu. Il n'imaginait pas une seule seconde, tout ce qui se passerait après ce coup de téléphone. Rien ne sera plus jamais comme avant pour Raphaël...

Il est 21h34. Le jeune homme âgé de 25 ans, était allongé là, sur le canapé, un livre ouvert mais retourné et posé sur son torse, ses lunettes légèrement de travers et quelques mèches de ses cheveux mi-longs bouclés d'une couleur sombre, tombèrent sur ses cils. Il n'y avait pas un seul bruit. Le calme de la nuit répandit son lourd silence dans le village de Gasaladur, situé dans le nord de l'Ecosse. Le bois dans la cheminée qui claque sous les flammes réchauffantes, l'orage qui gronde au loin dans une mer quelque peu agitée et dont les vagues viennent se blottir dans le contre bas de la falaise.

Raphaël se laissa emporter, lentement vers un paisible voyage spirituel. Tout était si calme. Mais chaque bonne chose a une fin comme dit le proverbe...

Le téléphone de Raphaël se mit à sonner. Il en fut si surpris qu'il sursauta et tomba face contre plancher. De quoi bien le réveiller.

Il enlevât ses lunettes et remarqua que c'était son ami d'enfance qui essaya de le joindre. Il décrocha précipitamment et d'une voix fatigué, frôlant celle d'une ivrogne buvant sa cinquième ou sixième bouteille :

- Nolan ?

- Raph' ? C'est toi ?

- Oui, qui voudrais-tu que ce soit ? Dit-il en se raclant la gorge afin de démêler sa voix encore endormie.

- Et bien alors mon vieux, je te réveil peut-être ?

- Arrête un peu de te moquer de moi, tu veux ? Et puis je te rappelle qu'il est presque 22h ici Nolan !

- ...

- Tu n'as pas oublié le décalage horaire, n'est-ce pas ? Donc tu m'appelles sûrement car ce doit-être quelque chose d'important ? L'ironie se propage dans l'air jusqu'aux oreilles de son ami, à l'autre bout de la ligne.

- Alors euh...Non et oui...Non je n'ai pas oublié le décalage, pas plus que je n'ai oublié comment tu es lâchement parti sans dire un mot et que j'ai dû discrètement enquêter sur toi pour te retrouver ! Et oui...C'est très vraiment important, mec...

- Waouh, d'accord...Merci du reproche...J'en avais besoin Nolan et tu le sais.

- Tu aurais quand même pu me le dire à moi, on a grandit ensemble je te le rappelle !

- Je sais...Et encore une fois, je m'excuse, d'accord ? Je ne le refais plus...Mais sinon, c'est quoi cette chose importante ?

- Hum...Est-ce que tu peux revenir ? Je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'en parler par téléphone.

- Nolan ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

- ...

- Nolan ?!

- Ça recommence...Les meurtres d'il y a presque 30 ans recommencent...J'ai besoin de toi mais je ne peux pas t'en dévoiler davantage par téléphone...Reviens ici s'il te plaît.

- Je...Je ne peux pas...

- Raphaël...Nous avons tous besoin de ton aide...Je sais que, enfin j'imagine que ça doit être une dure épreuve pour toi de revenir ici mais je t'en prie. Il faut que tu nous aide...C'est la dernière chose que je te demanderais...

- Laisses-moi y réfléchir...

- Appelle-moi demain et dis-moi que tu viendras...Prends le temps d'y réfléchir en dormant. Bonne nuit.

- Bonne nuit, oui...

L'appel terminé, Raphaël était encore assis au sol, le regard perdu dans les flammes dansantes. L'orage se rapprocha mais il n'entendit plus aucun bruit.

Silence. Total. Il n'écouta que sa propre respiration. Son corps commença à trembler, non pas froid mais par peur.

Peur de retourner là où tout s'est arrêté. Là où ses parents sont partis vers un ailleurs d'où ils ne pourront jamais revenir. Où leurs vies ont été sauvagement enlevées par un fou maintenant emprisonné.

Un homme dont il se jura un jour de lui ôter la vie à son tour. Une larme coula telle une perle de lave le brûlant jusqu'au bout de sa chute. Peur, tristesse, colère, haine. Tous ses sentiments que Raphaël essaya depuis des années à canaliser explosèrent d'un seul coup.

Il frappa le sol. Jeta le livre dans le feu, hurla dans un coussin, en regardant le bouquin se consumer.

Il tenta de reprendre une respiration normale. Mais en vain. L'émotion était plus forte que la raison. Son âme vibra comme ce feu devant lui.

Que faire, se demanda t-il. Souvent il se questionnait : devrait-il apprendre la vérité ou rester dans ce secret ? Il n'était pas sûr d'être prêt. Il sentait toujours quelque chose d'étrange, comme de mauvaises ondes, lorsqu'il pensait à la mort de ses parents.

Il avait peur de savoir. De connaître le pourquoi du comment il était devenu orphelin. Si l'image de cette femme qui apparaît dans ses rêves était bel et bien sa mère, alors est-ce que cette voix grave de cet homme, serait celle de son père ?

Seraient-ce des fragments de sa mémoire ? Après tout il n'avait pas tout à fait trois ans lorsqu'il s'est retrouvé seul. La mémoire à cet âge est très délicate. Elle est capable de sauvegarder certains moments marquants. Sa «mère» est floue mais il en distingue la silhouette et la voix, tandis que son père est un sombre nuage dont la voix reste inaudible. Il sent au fond de lui que cette voix essaye de parler mais il n'entend rien. Non. Il entend quelque chose en réalité. Juste une phrase. En boucle. La même phrase, encore et encore. Mais Raphaël ne se souvient jamais de celle-ci quand il se réveil.

En cogitant ainsi il n'avait pas remarqué que sa respiration était redevenue normale. Ses yeux se déplacèrent lentement vers sa table et restèrent fixés quelques instants sur un objet rond, brillant...Une pièce.

Raphaël secoua sa tête de gauche à droite. L'idée était stupide !

Mais la tentation était plus forte.

Il la saisit du bout de ses doigts et la fit danser entre eux.

Son geste s'arrêta net.

« Pile, je pars.

Face, je reste».

D'un lancé franc et précis il jeta la pièce en hauteur.

Celle-ci retomba.

Tout se figea autour de lui. Il ferma ses yeux pour y laisser couler une dernière petite goutte salée, coincée depuis tout à l'heure. Sa réponse était donnée.

Cette réponse, il l'attendait.

Il le savait.

Un long et puissant soupir brisa le silence de la petite maison. Raphaël décida d'aller se coucher. Profiter de sa dernière paisible et tranquille nuit.

Le calme avant la tempête...

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 02, 2021 ⏰

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