Partie 38

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On marchait le long de l'aéroport en nous dirigeant vers la sortie. Personne ne parlait. J'ai simplement décidé de les suivre. Ils étaient comme des automates, mais le plus touché était Adam. Djamila était faible, avait maigri mais elle restait moins stoïque.

- Il se passe quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi vous parlez pas ? Quelqu'un peut m'expliquer s'il vous plaît ?

Adam se retourna vers moi, ses yeux étaient rouges sang et brillants, comme s'il allait pleurer. Et à ce moment j'ai su. J'ai su qu'il y avait une tragédie qui était tombée. Adam était dans l'incapacité de parler et c'est Djamila qui prit la parole :

- Aliya. Adam, Samira et moi avons perdu nos parents. Ils ont fait un accident de la route, trois jours après votre départ. On a pas voulu vous appeler. On était en panique, on ne savait pas ce qu'on faisait Samira et moi s'il te plait nous juge pas. Kheyr insh'Allah j'espère qu'ils sont au Paradis je garde la foi.

Djamila avait enchaîné ses paroles et après les avoir prononcé elle versa quelques larmes qu'elle refoula du revers de sa manche et elle accéléra ses pas. Une épine transperça mon coeur à ses paroles. Alors qu'Adam et moi bronzaient au soleil d'Orient, ses parents étaient morts. J'ai perdu ma belle mère et mon beau père. Les chefs de la famille. Je n'y croyais toujours pas, mais une larme perla ma joue et s'écrasa au sol. Je regardais Adam. Son visage triste fit place à un visage de marbre, comme au début, lorsqu'il plaçait ce masque d'imperturbabilité sur son visage afin de ne pas laisser paraître ses émotions. Je m'approchais de lui pour lui prendre sa main mais à ce geste il la retira vivement de la mienne. Comme si le contact de ma peau sur la sienne l'avait brûlé. Je fus blessée dans mon amour-propre mais j'ai persisté une deuxième fois. Et là, le regard qu'il me lança me glaça toute entière. Un regard d'acier, qui pouvait traumatiser n'importe quel ennemi. Sa bouche s'était crispé et il me regarda comme si ... je le dégoutais ... Comme si ... c'était ma faute.

Non ... C'est pas possible !

******

Midi : Appartement.

Djamila et Samira étaient venues chez moi à ma demande car je ne voulais pas que nous nous retrouvions tous dans leur appartement regorgé d'images, d'odeur et de souvenirs de leurs parents. Les enfants à Samira étaient avec leur père au sud car elle ne voulait pas leur faire vivre ce moment et elle préférait les laisser tranquillement à la maison. Mes belles-sœurs faisaient preuve d'immense sagesse et de force. Jamais je n'aurais pensé qu'une telle solidité dans la foi existait. Elles ne se lamentaient pas, ne répétaient pas les paroles que j'avais déjà entendu chez les personnes en deuil tels que " ils ne méritaient pas ça " ou " pourquoi eux c'est injuste" mais elles préféraient garder le silence. Elles étaient certes triste et amaigris, mais elles souriaient de temps en temps. Perdre ses deux parents sans s'y attendre du jour au lendemain devait être un choc émotionnel intense, et moi même je pleurais depuis avant. C'étaient elles qui me consolait. 

- C'est la volonté de Dieu. On avancera et on fera tout pour vivre. Je pense pas qu'ils voudraient que nous soyons tristes, dit Djamila.

Samira le regard vide, scrutait un point imaginaire et dans un soupir murmura :

- C'est Adam que je crains ...

Elle avait raison. Celui-ci ne me parlait plus, mais parlait à ses sœurs, rapidement, froidement et sans dire un mot de plus que ce qu'il avait à dire. Il s'était réfugié dans "sa chambre" d'autrefois. Je pense bien qu'il lui faudra du temps pour se reconstruite mais ...

Djamila me prit la main et droit dans les yeux elle me demanda :

- Promets nous Aly que tu l'aideras ?

A ses paroles, Adam sortit de sa chambre. Le visage hargneux, les yeux gonflés. Il avait pleuré sans doutes, loin des regards, seul dans sa chambre. Il regarda ses sœurs, et notre attention se porta vers lui. Il ne dégageait aucune émotion et lorsque son regard se posa sur moi, une fois de plus je fus prise de terreur. Il n'était plus du tout le mari que j'avais connu et avec qui j'avais vécu des instants magiques. Il ne gardait plus les stigmates de l'homme amoureux et aimant, il n'était plus le Adam qui faisait rêver, il n'était plus ce mari qui par un simple regard je me sentais rassurée. Non. Au contraire, par un simple regard je me sentais en danger. Comme s'il avait été possédé par une autre personne. Je ne le reconnaissais plus. J'avais mal au cœur et j'espérais sincèrement qu'il s'en remettra. Il priait et avait la foi, normalement tout se passera bien. Mais quand Sheytane nous charme, en trouveras-t-il la force ?

Il passa devant moi sans me calculer serra la main de ses soeurs et grommela qu'il sortait. Il enfila alors son gilet et sorti en calquant la porte. Un claquement qui me fit sursauter et qui me rappela des souvenirs, comme à l'époque où après chaque dispute il claquait la porte en me laissant seule dans l'appartement avec mes pensées lugubres ... 

- Alors ?

Djamila tenait toujours ma main dans la sienne et me regarda avec imploration. Je n'avais pas le droit de dire non, je n'avais pas le droit de dire oui si je savais que c'était perdu d'avance. Mais j'ai réussi une fois à le rendre "heureux", alors pourquoi pas une deuxième fois ? Même si ... j'avais comme un ressenti de mensonge. Comme si tout son simulacre sur l'amour qu'il m'avait donné n'était que mensonge ... Je balayais cette idée de ma tête et je regardais Samira qui attendait une réponse postive, puis Djamila qui avait toujours ce regard touchant. Sans attendre je chuchota un bref :

- Oui ... 

Je ne savais ni n'avais nullement l'idée, de ce que cette réponse allait apporter et impliquer à ma vie ...

Chronique d'Aliya : Aimerais-je un jour mon mari ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant