Sur mon balcon, je fais pousser de petits oiseaux jaunes. Ils ne sont pas plus grands que ma main. J'ai installé sur mon balcon quelques petits pots de fleurs et j'ai planté mes graines d'oiseaux. Ensuite, des petites tiges sont sorties de terre, puis des petits bourgeons d'oiseaux. Un bourgeon par tige. Les bourgeons ressemblent à des balles de tennis miniatures. Puis, petit à petit, la balle de tennis devient oiseau.
Quand je cueille mes oiseaux, ils n'ont pas mal. Je le sais, parce qu'ils me l'ont dit. Si on les cueille quand ils sont bien mûrs, il n'y a aucun risque de leur faire mal. Parfois, si on attend trop, les oiseaux tombent eux-mêmes des tiges, tout seuls, et ils s'envolent. On ne les revoit plus. Mais si on les cueille, alors on devient leur maman.
Je suis la maman de beaucoup de petits oiseaux à présents. Souvent, ils sortent et s'envolent eux-aussi, mais ils reviennent toujours. Et si ma fenêtre est fermée quand ils reviennent, ils cognent dessus avec leur petit bec jaune pour attirer mon attention.
Le premier petit oiseau dont j'ai été la maman, je l'ai appelé Jaune, parce qu'il était jaune. Mais quand j'ai vu qu'ils étaient tous jaunes, alors je me suis vite retrouvée à court de prénoms. Il y a eu Jaunâtre, Jaunet, Blondinet, Ocre, Or, Doré, Poussin, Citron, Pissenlit, Tournesol, et même Balle de Tennis. J'en ai appelé un Soleil aussi, bien que le Soleil ne soit pas réellement jaune.
Mais ensuite j'ai eu honte de les réduire à la couleur de leurs plumes alors j'ai décidé de les laisser choisir leur prénom. Les nouveaux oiseaux en ont été heureux mais tous ceux que j'avais déjà nommés ont voulu garder leur nom car ils me portent une grande affection et voulaient garder cette marque de moi sur leur identité.
Je ne peux pas parler de mes graines d'oiseaux et de mes petits oiseaux sans parler de ceux que nous avons perdus, morts de maladie, de vieillesse, ou – plus rarement – d'accident. Il y a eu Ocre, que j'ai déjà évoqué, puis Nina, Loup, Manette, Soie, Rubis, Flip, Ewan, Z, Focus et enfin, tout récemment, Prairie. Nous sommes encore tous endeuillés.
Mes petits oiseaux peuvent vivre très longtemps mais certains n'en ont simplement pas envie. Je respecte leur choix. Je sais qu'ils se retrouvent tous quelque part au Paradis des oiseaux. Moi, je ne les retrouverai pas, j'irai au paradis des humains. Mais je ne suis pas triste, car je suis heureuse et reconnaissante d'avoir partagé tous ces bons moments avec eux.
Tout le monde n'a pas cette chance, de pouvoir faire pousser des oiseaux.
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Sur mon balcon
General FictionJe me suis inspirée de cette photographie de Yoshinori Mizutani pour écrire un court texte.