Chapitre 1-1

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Si vous deviez demander à Thomas comment tout à commencé, voilà ce qu'il ferait : Il s'assiérait, réfléchirait, et finirait par répondre : 

   - Quelqu'un a toussé.

Et c'est exactement comme ça que ça a commencé. 

Thomas marchait sur le boulevard de Strasbourg, à Montpellier, quand une personne toussa à côté de lui. Il pourrait vous dire qu'il avait immédiatement compris ce qui se passait, que dès ce moment, il savait ce qu'il avait à faire. Ce serait entièrement faux, car il était au téléphone avec son meilleur ami. Il n'avait même pas entendu le toussotement. 

   - Alors, comment ça s'est passé, s'enquit la voix dans le téléphone. 

   - Arrête un peu avec ça, tu veux, répondit Thomas. Tu sais qu'on ne veut pas se précipiter.

   - Allez, tu ne peux pas me faire croire qu'il ne s'est rien passé ! Insista la voix. Ça fait trois ans que vous sortez ensemble, là tu passes un après midi entier avec elle, et à peine tu en sors que tu m'appelles. Donc je te repose la question, que s'est il passé ? 

Thomas perçut sa défaite face à l'obsession de son meilleur ami. 

   - Bon, Jeff, tu vas sans doute croire que c'est des bêtises, mais Alix m'a paru... Il s'arrêta un instant pour chercher le mot juste, puis reprit : distante.

   - Peut-être qu'elle en meurt d'envie, et que... 

   - Jeff ! Sois sérieux une minute, s'il te plaît. Elle n'était pas distante dans ce sens-là. Son ami pouffa à l'autre bout du fil. C'était plus comme-ci elle savait quelque chose qu'elle n'avait pas le droit de répéter. 

   - Eh bien, peut-être qu'elle ne voulait pas te dire qu'elle voulait te quitter parce que vous ne l'avez jamais fait, proposa-t-il encore. Thomas pouvait presque sentir le sourire moqueur de son ami à travers le téléphone. 

   - Tu sais très bien qu'elle n'est pas comme ça ! C'était autre chose je te dis !

Comprenant qu'il n'y comprenait rien, Jefferson préféra changer de sujet : 

   - Et avec ton père ? Comment ça se passe ? 

****** 

Thomas était en troisième. Plus précisément dans les vacances qui séparent la troisième de la seconde. Si tous les élèves étaient en ce moment en train d'attendre fiévreusement leurs résultats du brevet, ce n'était pas le cas de Thomas. Il avait... la tête ailleurs. 

   - Est ce que... Est ce que tu veux sortir avec moi ? Demanda-t-il d'une voix timide. Il avait le regard typique de l'enfant qui joue à faire le grand. Le regard d'un adolescent. 

Peut-être que c'est ce regard, ou alors sa façon de la faire rire, ou simplement un charme ésotèrique, une chose qui ne s'explique pas. Toujours est-il que sans hésiter et avec ce même regard, Alix répondit par l'affirmative. 

Une heure plus tard, il empruntait le boulevard qu'il emprunterait encore de nombreuses fois, celui qui mène de chez Alix à sa propre maison. Le boulevard sur lequel il discuterait avec son meilleur ami trois ans plus tard. Songeant à ce qui venait de se passer, il marchait lentement, les yeux levés au ciel et un sourire béat sur la figure. Il fut ramené à la réalité dès qu'il glissa la clé dans la serrure de l'appartement. Son père l'attendait de l'autre côté de la porte, qu'il ouvrit au moment où le cliquetis de la serrure se fit entendre.

   - Thomas ! s'écria-t-il, alors ce brevet ? Les doigts dans le nez ? 

Le sourire de son père fit peur à Thomas. D'habitude, il ne souriait jamais. 

   - Papa, l'école est fermée le week-end, répondit-il comme s'il l'avait déjà répété plusieurs fois. C'était faux bien sûr, mais même si c'était  le cas, son père aurait déjà oublié depuis longtemps. 

   - Eh bien tu n'as qu'à regarder sur le site de ton collège, ils y ont sûrement affichés les résultats, répliqua ce dernier.

Thomas jura intérieurement. Il pensait être tranquille au moins jusqu'au lundi suivant. Il se força tout de même à sourire et dit :

   - Peut-être, oui. Je regarderai plus tard. 

   - Pourquoi pas maintenant ? S'obstina l'adulte. Tu n'as pas l'air très pressé, tu nous as pourtant dit que tu l'avais bien réussi. 

C'est vrai, il l'avait dit, mais c'était seulement pour pouvoir aller au bal des troisièmes organisé par le collège. Alix y était, il ne pouvait pas le manquer. En réalité, les épreuves avaient été un fiasco. Il avait mal révisé et il ne pensait passer que de justesse. 

   - Oui, je l'ai réussi, mais tu sais... Je ne pense pas que le collège les ai déjà mis en ligne. De toute façon, j'ai trop de stress. Je préférerais les regarder demain. 

Encore un mensonge. Plus il grandissait, plus ça lui venait facilement. Il s'en étonnait parfois lui-même. Mais ce qui le prit vraiment par surprise à ce moment, ce fut la réaction de son père. 

Il ne sentit pas de coups, mais en une fraction de seconde, il se retrouva par terre, la joue en feu. Il mit un moment à comprendre que son père avait levé la main sur lui. C'était impossible, irréel. Ça n'arrivait que dans les films. 

NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant