Fanny

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Je suis née en région parisienne, dans les années 90. J'ai habité dans le genre d'endroit dont on parle aux infos, et pas pour la beauté du paysage. Mais j'étais heureuse là-bas. J'avais des amis que je voyais tous les jours. J'aimais être dehors, à inventer des histoire, me blesser avec tous genre d'activités sportives ou simplement à exister. 

Ma meilleure amie de l'époque, la plus longue et intense relation amicale que j'ai jamais eu, et la personne à qui j'ai confié le plus de faits embarrassants sur ma personne ne faisait pas pourtant parti de ceux que je rencontrais quotidiennement. On l'appellera Fanny. On s'est rencontré en maternelle, en moyenne section pour être plus précise. Quand les gens nous demandaient comment nous nous étions rencontrées, on racontait qu'elle venait d'emménager (ce qui était vrai), qu'on était dans la même classe, et que quand la sonnerie a retenti, toutes maladroites que l'on étaient, nous nous étions cogné la tête, l'une contre l'autre en nous relevant. Je ne suis pas certaine de la véracité de cette histoire, mais elle avait le mérite de faire sourire notre auditoire. 

Avec elle, les disputes ne duraient jamais plus de deux jours. Notre cour de récrée se transformait tour à tour en repère pour super héroïne, en foyer aimant, en salle de danse et parfois même, en salle de concert. Je ne saurai dire pourquoi c'est d'elle dont j'ai envie de parler en premier. Probablement parce qu'à la fin de l'école primaire, nos chemins se sont séparés pour ne plus jamais se retrouver. Je pense qu'une partie de moi regrette que nous ne soyons plus en contact, mais le reprendre aujourd'hui me semble stupide. Trop de chances de rejet. 

Ce qui m'étonne le plus dans cette relation, c'est qu'elle se passait presque exclusivement dans l'enceinte de l'école. Je peux compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où j'ai été chez elle, et je peux affiner avec certitude qu'elle n'avait jamais mis un orteil chez moi. 

Un de mes plus gros regrets était quand au CE1, nous avions l'occasion de passer une audition pour entrer en classe CHAM, qui en plus des cours normaux, dispensait un enseignement de musique. Nous nous étions mises d'accord pour passer l'audition, mais j'étais pétrifiée à l'idée de chanter seule devant des adultes. Alors j'ai accusé ma mère, racontant à Fanny que je ne savais pour quelle raison (comme la méchante qu'elle était), elle n'avait pas voulu signer l'autorisation.  En y repensant, je suis presque certaine qu'elle connaissait la vérité, mais qu'elle ne m'en a pas voulu trop longtemps. Sauf que, de son côté le papier était déjà signé et remis à qui de droit. En conséquence, elle a quand même du y aller, sans moi. Elle n'a pas été prise. A-t-elle saboté son audition pour que l'on puisse rester dans la même classe le reste de la primaire ? Je préfère le croire.

Elle était belle, bien plus que moi. C'était à elle que les garçons s'intéressait. Et même si j'étais heureuse pour elle, je me désolais à l'idée de ne pas lui ressembler. Elle était petite, mince, des cheveux épais, une tête de poupée bien vivante. J'étais tout l'inverse, mais je suis pas sûre que je m'en rendais compte quand j'étais avec elle. Vous avez vu le film The Duff ? Avec du recul, je pense que c'est ce que j'étais, sans qu'aucune de nous deux ne le sache. En tous cas version primaire. Dis comme ça, ça paraît pathétique, mais j'étais heureuse de l'avoir trouvé. Personne ne m'a jamais aussi bien comprise qu'elle, et elle aura toujours une place spéciale dans mon coeur.  


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⏰ Last updated: Mar 28, 2020 ⏰

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