nostalgie

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Le soleil de fin d'après-midi est aveuglant.

Zayn couvre ses yeux d'une main crasseuse, fixant l'horizon. D'ici, il peut voir la tour Willis, haute et menaçante, toujours debout malgré les vitres brisées et les bureaux vides. Aujourd'hui est un de ces jours où la nostalgie le submerge. Perdu quelque part en 2013, tout juste vingt ans et soufflant profondément d'ennui dans un cours magistral de Licence à l'université Columbia, s'étirant de tout son long dans son siège pour voir le soleil se coucher à sa gauche. Tout juste vingt ans et priant pour que sa licence lui soit utile : oui, ok, d'accord une licence aux Beaux-Arts ne lui garantit pas une vie pleine de succès mais Zayn est talentueux et a eu la chance de faire un stage dans une super boite de pub. Il a aussi un étrange quoique incroyablement fidèle coloc et une copine aux yeux bleus.

Tout ça c'était avant que tout parte en vrille évidemment. Avant que Chicago se transforme en ville-fantôme grâce à un virus inconnu et sans pitié qui, à l'époque, n'existait que dans les scénario de films d'horreur.

Avant que la civilisation ne s'éteigne.

Il ne lui reste qu'une chose qui lui appartienne réellement parce que la boite de pub a fermé quand ils ont réalisé que l'épidémie ne pouvait pas être contenu et qu'elle se propageait dans tout le pays depuis la côte est à une vitesse effrayante. Aussi parce que Zayn a naïvement laissé entrer la jolie fille aux yeux bleus dans leur appartement au beau milieu de l'été, quelques mois après. Tout ça pour qu'elle finisse par essayer de leur dévorer le visage au moment du petit-dej : elle avait débarqué la nuit d'avant, seule et effrayée et tellement, tellement pâle qu'ils l'avaient laissé entrer sans hésiter parce que c'était rassurant de voir un visage familier. Ils n'avaient remarqué la morsure à sa cheville qu'au moment où Louis avait tiré son corps dehors alors que Zayn essayait vainement de faire disparaître les taches de sang sur le canapé. Elle avait été la première victime de Louis. Il faut détruire le cerveau, ils avaient dit à la télé, il avait donc prit une poêle sur la gazinière et l'avait écrasé contre son visage comme une batte de baseball. Il avait pas adoré le faire. Zayn non plus, sa presque petite-amie avait essayé de le mordre, et pas sexuellement parlant.

C'était la première leçon qu'ils avaient tiré, et toujours à ce jour la plus importante : chercher une morsure, peu importe ce qu'on te raconte. Même si ça signifie finir par tuer quelqu'un.

Une goutte de sueur roule sur le dos de Zayn alors qu'il saute sur son skate, le menton levé vers le ciel. Sa planche est aussi une relique d'Avant, elle est complètement défoncée mais il peut encore s'en servir, le dessous de celle-ci couverte d'une dizaine de couches de peinture et d'autocollants déchirés et sales. Le nez de la planche est recouvert de scotch Misfits et d'une petite fourmi gravée au scalpel il y a plusieurs années.

On est en 2015 et il est au beau milieu d'une intersection, regardant le soleil se coucher, complètement à découvert - une proie facile, dirait Louis s'il n'était pas en train de faire le plein de provision deux rues plus bas. Zayn conclut que c'est la fin de l'été, se basant sur la diminution de la chaleur écrasante et des longues journées. Tout ceux qui le pouvait sont définitivement parti il y a un an et demi, quand le Midwest avait été submergé par l'hystérie que le virus se propageait rapidement. Ils avaient laissé Chicago derrière eux, infestée et détruite par les morts-vivants. Les humains qui étaient restés - comme Zayn, comme Louis - avaient apprit à se séparer et à se cacher dans les banlieues pour éviter de devenir le quatre-heure de quelqu'un.

On est en 2015, et l'humanité est morte depuis 2 ans.

mords-moiWhere stories live. Discover now