Samedi 9 septembre 21h58
GWENDAL – bassiste de SKIN
Hadrien est odieux. Il est déjà condescendant envers toute la planète en temps normal mais aujourd'hui, il se surpasse. Être le mec le plus intelligent de la région le prive de toute modestie.
Je voulais juste vérifier que la nouvelle majorité de mon frère renforçait l'ascendant qu'on lui donne sur moi, en dépit de notre faible écart. Sauf que notre leader suprême n'était pas d'humeur aux études sociales et a préféré ironiser sur mon âge. C'est incroyable ce qu'il peut être pénible quand il s'y met.
Énervé, j'écrase conscieusement du talon des morceaux de chips tombés au sol. Ça fera des miettes pour les piafs.
Un des conseils de mon frère pour gérer les accès d'humeur ou mauvaises passes est de s'absorber dans une tâche plaisante afin de se distraire. Hors de la musique, lui pratique la cuisine. Puisque, par définition, il n'y a rien à faire dans une soirée, je vais devoir me rabattre sur l'observation de mon environnement.
D'abord, les transats de Camille sont confortables. Moelleux et accueillants. Je ne suis pas un expert en salon de jardin, mais, les yeux fermés, c'est agréable d'y être assis. Par contre, il ne faut ouvrir les paupières parce que la déco est atroce. Le mauve-fuschia de la matelassure et les nains de jardin sont d'un kitsch passable d'une amende.
Kwan stoppe mon bilan sur l'aménagement en surgissant de la maison. L'air heureux comme si trouver une place libre était une bonne surprise, il s'installe dans la chaise longue à côté de moi.
— Salut !
— Salut.
— Wow, tu en fais une tête ! constate-t-il. Tout va bien ?
— Ouais. Juste Hadrien qui est relou.
— Ah...
Il allonge ses jambes.
— Ça doit être une caractéristique de batteurs, alors. Je viens de voir Bec engueuler François parce qu'il prenait trop de temps aux toilettes. D'une part, il a peut-être de très bonnes raisons d'y rester aussi longtemps, et d'autre part, elle peut utiliser celles de l'étage, c'est la baraque de sa meilleure amie, elle ne risque pas de se perdre.
Hadrien ou Bec ? Un dilemme qui équivaut à trancher entre la peste et le choléra. Au final, le résultat, c'est toujours de gros ennuis.
— On est foutus. On peut pas se passer de batterie dans nos morceaux.
— On est foutus, confirme Kwan.
Avoir la compagnie de Sweet Poison au local est une bonne chose. Notre situation étant aussi rocambolesque que la leur, on peut se serrer les coudes entre deux catastrophes.
— Tu connais bien les parents de Camille ? changé-je de sujet.
— Pas plus que ça. Sa mère est experte-comptable et son père, flic. Pourquoi ?
J'indique un nain de jardin qui promène sa brouette dans le parterre de bégonias.
— Je voulais savoir lequel avait pu acheter ce genre d'horreurs.
— Sa mère, rit Kwan. Elle a des goûts... rétros, mais elle est sympa.
— Mmh...
« Sympa ». C'est vrai qu'elle aurait aussi pu exposer sa céramique peinte côté rue.
Il y a peut-être pire comme passion que les nains de jardin, mais je suis sûr que ses adptent bénéficient quand même d'une section dédiée en Enfer. Une pas loin de ceux qui disposent des statues d'art contemporain dans les parcs.
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Skin vs Sweet Poison - let's rock !
Ficção AdolescenteEn théorie, nous sommes un groupe de rock lycéen. En pratique, notre batteuse est fêlée, notre chanteur idolâtre Mercury et mon nom sonne plus comme le huitième membre de BTS que comme celui d'un bassiste. Et puisque visiblement, ça ne suffisait pas...